![]() | Ce chemin de fer urbain dont Roger Leloup a fait le décor d’une séquence du Feu de Wotan est l’élément principal de la desserte d’une agglomération atypique, dont la configuration a suscité l’apparition d’un moyen de transport techniquement original et spectaculaire. La rivière Wupper, petit affluent du Rhin au cours tortueux, a tracé dans un paysage de collines une vallée étroite. Comme la Rhur (plus au Nord), mais à bien moindre échelle, ce cours d’eau a favorisé le développement d’industries qui ont entraîné la croissance des bourgades établies le long des rives. Wuppertal (littéralement “Vallée de la Wupper”) est aujourd’hui une ville de 384 000 habitants, formée par le rassemblement de plusieurs localités, et dont le centre historique, toujours le long du fleuve, possède une forme allongée dans un relief encaissé. |
La desserte de ce secteur été confiée à des tramways, depuis le systeme “Perambulator” en 1874 (hyppomobile, à rail de guidage central à l’image des actuels trams sur pneus) jusqu’au tramway électrique conventionnel. Cependant, en raison de l’étroitesse de la vallée, défavorable à un développement des transports terrestres, la solution retenue dès 1887 fut celle d’un chemin de fer aérien insensible à l’encombrement des rues. Le projet retenu, fruit de l’imagination d’Eugen Langen, consistait à faire circuler au dessus des rues, mais surtout de la rivière elle-même, des trains suspendus. Engagée en 1898, la construction d’une ligne reliant Vohlwinkel (à l’ouest) et Oberbarmen (à l’est) s’effectua en trois phases et aboutit à l’ouverture de la ligne complète en 1903. | ![]() |
![]() | Les rames, composées de deux voitures chacune, circulent suspendues sous un rail de roulement unique. Chaque voiture possède deux bogies moteurs à deux roues à gorge chacun, reliés à la caisse par des suspentes métalliques assymétriques (à la façon d’un téléphérique). Le rail se trouvant sur un des côtés du tablier, les trains circulant à droite doivent être retournés à chaque terminus avant de repartir dans l’autre sens, de l’autre côté du viaduc. À cet effet, des boucles de retournement se trouvent aux extrémités de la ligne. Cette technique très particulière rend délicate la réalisation des aiguillages, qui se composent d’une lourde section mobile de voie. Pour cette raison, le schéma de la ligne est simplifié au maximum. Les stations intermédiaires ne possèdent pas de voie de garage, les manoeuvres ne sont possibles qu’aux extrémités; un train en panne ne peut être dépassé et doit être poussé par le train suivant. Au terminus de Vohlwinkel se trouve, outre la boucle, le dépôt-atelier du réseau, équipé d’un ascenseur permettant de ramener un train complet au niveau du sol dans la partie du bâtiment réservée aux travaux d’entretien. La traction fait appel à des moteurs électriques alimentés en courant 600 V continu - tension portée ensuite à 750v - par le deuxième rail ne servant qu’à l’alimentation. La dotation d’origine se composait de 15 rames doubles construites de 1900 à 1912, d’une puissance de 100 kW. Il ne circule aujourd’hui qu’une seule de ces rames, dénommée Kaiserswagen (voiture de l’Empereur). C’est en effet à bord d’un train de ce type que Guillaume II effectua un voyage sur la ligne alors inachevée, en 1900. Une seconde génération de rames a été livrée en 1950, ce matériel est totalement retiré du service de nos jours. 28 rames construites en 1972-73 assurent aujourd’hui l’essentiel du trafic. |
La gestion actuelle de la ligne, et notamment ce projet de modernisation, sont un sujet assez polémique dans la région. Certains dénoncent le manque d’investissements dans les dernières années qui risquent d’occasionner des dépenses lourdes lors des prochains travaux de rénovation ; d’autres contestent la politique très peu respectueuse du caractère historique de l’installation, qui perd progressivement son cachet sans qu’un quelconque avantage esthétique n’en soit tiré, la présence de l’imposant viaduc au dessus de la Wupper étant depuis le début un sujet de discorde. Énorme pollution visuelle, le Schwebebahn offre paradoxalement un point de vue inégalable à ses voyageurs et séduit donc les visiteurs. Comme il présente aussi un indéniable intérêt historique et qu’il fait partie intégrante du paysage urbain, ses jours ne sont plus en danger. Mais il reste fort à parier qu’il n’a pas fini de faire parler de lui. | ![]() |