Re: Le romantisme de l'Orgue
ça retombe sur ses pattes. Le fantastique est dans son acception actuelle l'une des plus essentielles émanations du romantisme. Verne est un rejeton relativement tardif du romantisme, et son fantastique est proche de celui que développe Roger Leloup à plusieurs reprises: le mystère nait de l'homme, notamment au travers de ses créations et ses inventions. Le fantastique serait en l'homme. D'autres fois, le fantastique est hors de lui même s'il s'insinue dans sa vie, dans un dialogue entre l'homme et l'inconnu, plus proche de Poe et de Scott cette fois. Roger Leloup opère parfois une synthèse des plus brillantes ("La spirale du temps"). Je crois qu'il n'y aurait pas de fantastique sous sa forme actuelle sans le romantisme, ce serait une aberration. Le fantastique n'apparait que parce que l'individu et la primauté du sentiment surviennent dans l'histoire de la pensée. Après, l'appellation de "fantastique" appliquée à des oeuvres antérieures relève tout simplement de l'accroissement du vocabulaire critique, parce que naturellement, le rêve existe bien avant - mais c'est le romantisme qui le théorise dans ses relations avec l'art.
Une certaine éthique de la critique se doit d'oublier partiellement l'auteur, non pas en négligeant la connaissance de son époque et de son environnement matériel et intellectuel (ce qui conduit notamment à l'erreur méthodologique grave, l'illusion rétrospective), mais en admettant que ce qui est dans la tête de l'auteur ne devrait pas se déduire, et qu'il n'est connu que par ce que l'auteur dit. C'est là l'erreur, à mon sens, de l'approche psychanalytique de l'art, qui, non contente de nier partiellement l'autonomie de l'art et de le systématiser, revient surtout à prétendre entrer dans l'intimité de l'auteur.
La confusion consistant à entendre "niaiserie" ou, sans jugement porté cette fois, "histoire à l'eau de rose" quand on parle de romantisme est une des imbécilités les plus répandues dans la société actuelle. Ceci-dit, j'estime que cette distinction n'a pas à être expliquée par prudence dans ce forum, où je crois que nous pouvons nous permettre un peu plus d'ambition que ça. Si nous nous mettons à avoir besoin aujourd'hui de faire cette distinction, c'est que nous ne sommes pas bien malins...
Sujet écrit par Hallberg le vendredi 23 mars 2007 à 23:11