Re: Venise et le marquis de To
On ne sait jamais comment il faut prendre les choses. Il est assez normal que beaucoup de gens aient envie de découvrir Venise, mais après, personnellement, c'est comme le Mont Saint Michel: le "tout touristique", la cohue et tout le reste, me laisse un arrière goût très amer, surtout quand on sait que la sur-fréquentation de Venise, le rythme de vie effréné que l'on exige de ce vieux centre-ville pas fait pour ça, sont pour beaucoup dans le fait qu'elle est aujourd'hui en grand danger. On m'expliquait l'été dernier à Versailles que les touristes exigeaient qu'il y ait un certain nombre de fontaines qui fonctionnent à tout instant, et que celà produisait une usure prématurée de l'ensemble du système, conçu pour que l'on fasse fonctionner quelques fontaines pendant un temps assez court, les fontainiers les mettant en marche et les arrêtant sur le parcours du Roi, et non pour amuser les visiteurs à longueur de journée.
Bruges est infiniment moins soumise à ce genre de contrainte dommageable pour le patrimoine et pour moi, elle fait partie de ces bonnes adresses où l'on est plus tranquille pour visiter.
Je sais bien que ce n'est pas la raison fondamentale du changement, mais il se trouve que j'imagine beaucoup moins Yoko pouvoir se promener tranquillement, mais aussi pouvoir échanger aussi facilement avec les habitants dans ce qu'est devenue Venise aujourd'hui.
Vous me direz que je suis monomaniaque, mais je pense à un opéra, "La ville morte" (de Korngold). Cette ville morte, que le héros ressent comme fossilisée, c'est Bruges. Nombre d'auteurs ont ressenti dans Venise quelque-chose de confusément morbide, dans cette façon de la ville de jongler avec le lumineux et le brumeux, le gai et le languissant, de dissimuler les turpitudes de l'histoire derrière le luxe des façades. J'ai l'impression qu'il n'y avait pas meilleur endroit que l'une de ces villes pour que Yoko aille affronter rien moins que la peste et le Diable... Après, j'avoue que de l'une à l'autre, j'ignore laquelle j'aurais choisi. Et puis à la limite, il y a quelque-chose de cette ambiguïté dans Lisbonne ou dans Vienne...
Sujet écrit par Hallberg le mercredi 16 mai 2007 à 22:49