Re: Fan art / fan fiction
Le sujet "succession" est un vieux débat, initié largement avant l'arrivée d'Emilia. D'ailleurs je l'avais lancé moi-même parce qu'il avait été évoqué dans une autre discussion où il se trouvait hors-sujet. Ne perdons pas de vue le contexte. Ce n'est pas une question rare ni insolite dans la critique d'art en général. Maintenant, au contraire, que nous avons un rapport plus personnel à l'auteur, refaire ce débat depuis le début serait une indélicatesse; attribuer rétrospectivement impolitesse et intention indélicate à une vieille conversation alors que le contexte a changé n'est pas loin d'en être une autre. Aussi me semble-t-il qu'il faut recommander l'apaisement des esprits - j'ai cité ce vieux sujet pour que chacun puisse le lire et se rendre compte de la légitimité ou de l'invalidité des idées formulées à l'époque. Je n'allais pas le laisser planqué quelque-part dans les tréfonds du forum pour éviter qu'il déplaise. Maintenant, si quelqu'un souhaite reprendre la discussion en question, je prends la liberté de suggérer que celà se fasse avec autant de sensibilité que de rigueur. La sincérité et l'engagement du critique sont les garde-fous qui le préservent des terrains glissants.
Sur le débat en lui-même, maintenant: si, naturellement, je désapprouve avec Emilia le plagiat, l'appropriation illégale et la paresse intellectuelle du faussaire, je ne suis pas d'accord, mais alors pas du tout, avec la vision dépréciative des "oeuvres parallèles" et des imitations. Chacun sait qu'elles ne sont pas le reflet fidèle de l'intention de l'auteur, ce n'est pas une nouveauté. En revanche, leur importance est fondamentale dans la continuité de l'art européen. L'imitation des maîtres est une des clefs de l'éducation, une des racines ancestrales de la formation du goût et de la culture. Tout le monde connait des exemples, du genre des élèves des beaux-arts qui copient les oeuvres des musées, ou des futurs littéraires qui font leur apprentissage en imitant les auteurs anciens et modernes. Verne ne serait probablement pas devenu Verne s'il n'avait fait ses classes en écrivant des suites à des oeuvres de Poe. Si l'on pratique la tabula rasa de façon systématique, si tout le monde est renvoyé par la formule "tu n'as qu'à tout inventer toi-même", on n'irait pas loin - du moins, si on avait fait ça par le passé, nous n'aurions pas de patrimoine. Même les ruptures se construisent à partir de quelque-chose.
En outre, aux nécessités de l'éducation du goût s'ajoutent celles de la connaissance de l'oeuvre. En tentant de marcher sur les traces de l'auteur, on se rend capable de mieux le comprendre, de percevoir ce qui nous rapproche de lui ou nous éloigne - par ce qu'on veut et/ou peut imiter et par ce qu'on n'arrive pas à reproduire, ou qu'on ne souhaite pas faire. Quand le plagiat est une monstruosité égoïste et irrespectueuse, le pastiche renforce la conviction de l'amateur, celui dont la raison d'agir est qu'il aime. Du moins tout ceci n'est-il que mon avis, aussi peu impartial qu'à l'ordinaire.
Sujet écrit par Hallberg le mercredi 7 décembre 2005 à 14:36