Re: Fan art / fan fiction
"Roger me prie de signaler qu’ils sont pratiquement tous morts depuis longtemps et que leurs œuvres sont tombées dans le domaine public…" Il est très probable que je sois totalement à côté de la plaque. Mozart ayant repris Beaumarchais alors que tous deux étaient vivants, et pas que Mozart du reste, Verne n'ayant pas attendu soixante-quinze ans pour écrire une suite aux Aventures de Gordon Pym, Homère, Rabelais et l'Arioste n'ayant en outre jamais rien eu à voir avec un délais d'adaptation légalement prescrit et n'en ayant pas nécessairement éprouvé une peine inconsolable, ce n'est pas un concept strictement contemporain qui va changer l'histoire de l'art et les mécanismes primordiaux de la formation du goût et du style. Mais tout se passe comme si le XXe siècle devait remettre en cause un tel mécanisme - quelqu'un sortira probablement un jour un délire d'analyse téléologique, on dira que c'est un progrès, sinon le Progrès, et le sens de l'Histoire. Bon, après, ma conception des choses est probablement enterrée depuis longtemps.
S'il me reprend un jour l'idée de dessiner Yoko en gare de Varsovie ou de faire des alexandrins parodiques sur Lyco, et si je persévère dans le chantier consistant à adapter des scènes de La lumière d'Ixo en musique, je conserverai mes positions - dussé-je me faire engueuler un jour par un auteur ou un autre: mon travail d'amateur sera un besoin personnel de rendre hommage aux maîtres classiques et contemporains autant qu'un désir d'apprendre, qui n'enrichira jamais personne financièrement, et ne nuira à personne, à part à moi, médiocre imitateur... ça me rassure, moi, de n'être que capable de pastiche. Si je devais commencer par faire mon chemin tout seul, sans cette pésence rassurante - la mémoire des maîtres du passé et le sourire de ceux du présent - je m'en voudrais de cette suffisance consistant à ne rien devoir à personne. Ce n'est pas de l'accadémisme forcé, une vraie rupture ne se nourrit que de la connaissance de ce avec quoi on rompt...
Cela amuse Roger de voir certains dessiner Yoko, cela prouve leur attachement… Et nous, ce que ce témoignage nous prouve, c'est qu'il est guidé par un coeur qui ne peut pas le tromper.
On en viendra probablement, un jour prochain, à ce que les auteurs, aveuglés par la foule des plagiaires mal-intentionnés potentiels, n'arrivent plus à percevoir ce débordement excessif d'affection et de confiance que constitue le pastiche. Car celui qui pastiche s'en remet aveuglément dans les mains de son modèle. Triste perspective - mais si ça doit arriver... Moi, ça me rend triste, mais bon, ça n'engage encore une fois que moi.
-Edité le: Jeudi 8 décembre 2005 à 00:43 par Hallberg-
Sujet écrit par Hallberg le jeudi 8 décembre 2005 à 00:24