Solaris
Article posté par ΨYoko.
Paru le vendredi 26 mai 2006 à 06:30
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Solaris
Voici une interview parue dans la revue québécoise Solaris (http://www.revue-solaris.com) dans les numéros 46 (août 1982) et 48 (février 1983). Cette interview est réalisée par Luc Pomerleau, qui tenait aussi la chronique BD ("Le Bédéraste") de la revue.
Tout nos remerciements à Richard Gendron qui nous à envoyé l’article.
Issu des studios de Jacques Martin et de Hergé, Roger Leloup a réussi avec sa première série à captiver l'intérêt d'un grand nombre de lecteurs. YOKO TSUNO est l'une des bandes les plus populaires de SPIROU et trouve ses adeptes parmi les lecteurs de tous âges.
Bande dont le dessin classique fascine les uns et irrite les autres, Yoko Tsuno est chère au coeur de l'auteur. Ses déclarations dans l'entrevue qui suit permettent de mieux le connaître et, par là, de mieux comprendre Yoko, qu'on devine très près de lui; il insiste pour dire qu'elle est la grande soeur qu'il n'a jamais eue.
Nous l'avons rencontré à Québec. Nous avons commencé par aborder ses débuts dans la bande dessinée, qui sont encore peu documentés pour la plupart des lecteurs.
entrevue:
Roger
Leloup
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Roger Leloup, vous avez commencé dans la bande dessinée comme assistant de Jacques Martin. Pourriez-vous nous donner quelques détails à propos de cet apprentissage?
J'étais dans une école qui s'appelle Saint-Luc; j'habite un petit patelin qui s'appelle Verviers, à l'est de la Belgique près de l'Allemagne, et j'allais à l'école dans une grande ville. Je me destinais à la publicité, au fond. Et pendant mes vacances, après 3 ans d'études à Saint-Luc, Jacques Martin habitait plus bas que chez moi. On a discuté assez longtemps, surtout qu'il est très loquace, et il a mentionné qu'il cherchait un assistant pendant les vacances. Et bon, j'ai cherché un assistant pour Jacques Martin, je n'en ai pas trouvé, et un jour je me suis dit "je vais lui offrir de faire ses coloriages pour voir ce que ça donne". Quand il a vu les coloriages, il m'a proposé d'aller chez lui, ce que j'ai fait.
J'ai commencé d'abord à colorier les histoires d'Alix; c'était dans LE SPHINX D'OR, c'est déjà loin! Puis j'ai poursuivi dans la série des chromos VOIR ET SAVOIR que l'on distribuait avec des Points Tintin; ces chromos ont ensuite été imprimés en albums je crois dernièrement (Aux éditions Septimus, sous les titres de L'HISTOIRE DE L'AEROSTATION, L'HISTOIRE DE L'AUTOMOBILE, etc., sous la signature de Hergé. NDLR.) Je dessinais donc les voitures et les avions, Martin les repassait à l'encre. Plus tard, je les ai repassés à l'encre aussi, mais à ce moment-là il le faisait lui-même et les envoyait à Hergé qui mettait à côté un petit Tintin en costume d'époque. Un jour, Hergé a trouvé ça complètement ridicule qu'il y ait un studio qui se trouve à des kilomètres de chez lui; les dessins risquaient de se perdre, de s'abimer. Alors il a réuni tout le monde dans son studio de la rue Louise à Bruxelles. C'est comme ça que je me suis retrouvé chez Hergé, un rêve magnifique à l'époque.
Qu'y faisiez-vous ? Les machines ? Les décors ?
Pas tellement les décors; surtout ce qui était de la technique, tout en continuant les décors de Jacques Martin et ses coloriages. J'ai commencé les décors dans LA GRIFFE NOIRE, jusqu'à la première case de IORIX LE GRAND que j'ai faite au crayon, après quoi je suis parti.
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Chez Hergé, à partir de quel album avez-vous travaillé ?
Hergé m'a testé pour mon premier décor, c'était la gare de Nyon dans L'AFFAIRE TOURNESOL. C'était assez amusant parce que je me suis tapé un hall vitré et la gare de Nyon n'a pas de toit vitré au-dessus. On aurait pu aller faire des photos...
J'ai commencé là-dedans et puis, c'est difficile à expliquer ce que j'ai fait ...ça passe par les petites chaises roulantes du Capitaine Haddock dans LES BIJOUX DE LA CASTAFIORE...II y a une chose que je raconte souvent parce que c'est très typique. Quand j'était petit j'avais des problèmes avec mon foie; c'était la guerre et ma mère pour me consoler m'offrait de la littérature. Elle m'a offert mes premiers livres de BD, Quick et Flupke, et L'ILE NOIRE.
La première version ?
Oui. Et j'ai joué aux avions de l'Ile Noire dans mes couvertures. Devenu adulte, Hergé m'a confié le soin de redessiner les avions de la nouvelle version de L'ILE NOIRE (1965). Donc, sans le savoir, il réalisait mes rêves d'enfant. Les deux versions de L'ILE NOIRE sont fidèles l'une à l'autre; je me suis attaché à ne pas trahir mes rêves d'enfant.
Peu après, Hergé a offert à mon fils L'ILE NOIRE et j'ai trouvé plus tard mon fils qui jouait aux avions de L'ILE NOIRE. Donc, une génération avait passé... l'art de ne pas vieillir...
Grâce à Hergé.
Grâce à lui, qui est resté étonnamment jeune.
A quel moment avez-vous décidé de partir en solo ?
Il y a un problème qui s'est créé vers la fin de mon séjour chez Hergé. C'est que j'ai travaillé pour Jacques Martin, j'ai travaillé pour Hergé, mais jamais sous mon nom. Alors il y avait des problèmes, il ne faut pas le cacher; il y avait Hergé avec sa grande gentillesse et une certaine lâcheté quand même. Je travaillais pour Martin, et Hergé m'apportait un dessin pour lui et il me disait "Vous le faites tout de suite, c'est urgent". Alors je mettais de côté la page de Martin, qui était urgente aussi. Ils n'ont jamais eu
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