Solaris
Article posté par ΨYoko.
Paru le vendredi 26 mai 2006 à 16:04
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Solaris
certaines couleurs sur les machines de l'époque. Mais actuellement, les machines sont plus perfectionnées et dans le dernier album, LA PROIE ET L'OMBRE, certaines pages, dont celle où Yoko voit Cécilia qui peint à l'huile (page 14) ce sont de véritables tableaux en couleurs. La couleur, je ne la pose pas moi-même.
C'est le studio Léonardo qui s'en occupe.
En effet. Mais je la posais sur calques au début et maintenant je le fais sur photocopies réalisées sur fin papier de dessin au format original des planches. Je colorie entièrement au crayon de couleur, ça donne des choses merveilleuses, des petits tableaux parfois. J'aime mieux une photocopie parce que le calque fatigue la vue et il grisaille le trait.
C'est Béatrice, au studio Léonardo, qui adore Yoko et la connaît bien, qui fait mes coloriages. Elle a son nom dans les albums pour la bonne raison que moi j'ai travaillé sous le nom des autres pendant longtemps et je ne veux pas faire ça à d'autres.
Utilisez-vous la couleur de la même façon, ou tentez-vous de l'utiliser de la même façon que les autres dessinateurs de l'école belge, l'école Hergé ?
L'école d'Hergé, non. J'émets toujours une réserve sur l'école d'Hergé. Il y a une école d'Hergé au fond parce que les éditeurs étaient belges et forcément il s'est créé une cour autour des éditeurs belges et il est toujours plus facile de vivre près de son éditeur plutôt qu'à des centaines de kilomètres. J'ai pris mon acquis chez Hergé, bien sûr. Chez Hergé, la couleur n'est pas toujours fondamentale; Hergé c'est une coloration pastel, une coloration en vitrail. Il n'aime pas les oppositions vives de couleurs; c'est toujours des tons un peu pastels. Ce n'est que vers la fin, et j'ai joué un peu mon rôle là-dedans, où j'ai insisté parfois pour des avant-plans dans les bleus, pour donner la luminosité de l'arrière-plan, le jeu des contrastes, donner le volume par la couleur.
En ce qui me concerne, moi je vois ça d'une façon très chromatique, c'est-à-dire que dans un album il ne faut pas une monotonie de couleurs. Dans LA LUMIERE D'IXO, tout est dans les bleus, ce qui n'ajoute pas à la clarté du récit; c'est froid, c'est de la glace bien sûr. J'ai le cas de l'histoire que je fais maintenant, tout se passe sous l'eau, alors je donne de la végétation pour un peu varier la couleur. Mais j'essaie d'avoir de grandes séquences de couleurs. Par exemple, si on passe de la froideur de l'eau, si je passe dans une pièce, je vais réchauffer; je vais travailler dans les tons poudre-de-riz et orangé. Car il faut sentir la chaleur. Souvent mon thème c'est par contrastes. Une couleur n'est jamais couleur en elle-même; elle devient couleur par ce que l'on met à côté d'elle.
Souvent les atmosphères créées par votre couleur ressemblent beaucoup à l'usage que fait Jacobs de la couleur.
Oui, alors un petit détail, c'est que j'ai fait les coloriages de Jacobs dans les pages où la ..."Bête" je crois s'amène, l'espèce de machin un peu rond, un peu flasque...
"La Chose ", dans LE PIEGE DIABOLIQUE ?
La "Chose", c'est ça. C'est moi qui ai fait cette séquence.
Sous sa direction ?
Mmoui...sous sa direction. Il avait demandé aux studios Hergé si on lui ferait ses coloriages et comme il avait beaucoup de travail à ce moment-là, Hergé, qui est un ami intime de Jacobs, a accepté. Et alors j'ai fait les coloriages pour aider Jacobs. Pas tout. J'ai fait ceux-là parce que le coloriste attitré n'était pas disponible.
Mais je ne suis pas influencé par les coloriages de Jacobs; il croit qu'on l'imite. Parce que lui-même est influencé par FLASH GORDON.
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Il le reconnaît d'ailleurs...
Oui, il le reconnaît. Jacobs est un homme charmant, mais il a une petite tendance à croire que tout ce qui est SF est calqué sur lui. Alors que moi, j'ai une autre façon d'aborder la SF. Je prends par exemple un détail; il a utilisé dans LE PIEGE DIABOLIQUE une séquence avec des escaliers et je retrouve la même séquence chez Martin.
Jacobs a toujours accusé Martin de le copier, de le plagier. Je lui ai fait remarquer que c'est faux, parce qu'on a tous les deux pris une revue Esso et on a trouvé l'intérieur d'un pétrolier qu'on avait adapté. Moi j'ai fait ces décors pour Martin bien avant que Jacobs ne l'utilise. On aurait pu dire que Jacobs avait piqué les décors chez Martin; mais j'ai retrouvé le même document; on a les mêmes lectures.
Certains disent "Vous êtes le prolongement de Jacobs". Jacobs faisait partie de mes lectures, mais Yoko n'est pas le prolongement de Blake et Mortimer. J'ai une autre façon de faire de la SF; il a peut-être une façon plus puissante que moi sur le côté narratif, je n'en sais rien. Mais en ce qui concerne le côté scientifique, je regrette beaucoup, mais j'estime parfois que je me documente plus pour créer mes machines. Parce que les machines de Jacobs, elles sont certainement toujours visuelles. Il cherche à faire quelque chose qui impressionne; qui ressemble à un insecte ou à autre chose. Moi je cherche avant tout qu'on puisse construire l'engin et qu'il fonctionne. Jacobs n'est pas un mécanicien, un technicien; il est un petit peu à l'image de Wells notamment, qui a utilisé au fond la science uniquement pour transposer des problèmes psychologiques. Tout ce qui était scientifique était là, mais il ne reprenait pas comme Jules Verne les explications scientifiques montrant que ça pouvait marcher. Chez Jules Verne, le récit est moins important que l'explication, le miracle scientifique. Tandis que dans Wells c'est le social qui joue par rapport à l'action scientifique; mais il n'explore pas, il ne développe pas la science.
Alors que Jacobs parle de choses qui pourraient se passer. Quand il fait des androïdes dans LES TROIS FORMULES DU PROFESSEUR SATO, la machine à fabriquer des androïdes, je m'attendais à quelque chose de plus fantastique que ça. Ca ne correspond plus à une science de notre époque. Il n'attache pas d'importance à ça; c'est l'action, c'est ce qui va se passer avec le produit de la science qui compte.
Vous attachez une grande importance au contenu scientifique, tout au moins au côté technologique actuel et à son extrapolation. C'est très rationnel.
Moi, si je crée une machine, je veux qu'elle vole. C'est un peu une déformation parce que j'ai fait et je fais toujours de l'aéromodélisme, à télécommande. Je créais mes propres machines, autour d'un moteur, je les faisais en trois dimensions. Donc les machines pour moi c'est un être vivant, c'est charpenté. Je cherche la ligne évidemment, mais je cherche la ligne qui ne soit pas rattachée à celles qui existent actuellement. Quand les engins vinéens volent, il n'y a aucun aéronef ici qui leur ressemble. Mais c'est pas tellement loin. On pourrait les construire demain, les voir voler dans l'atmosphère terrestre. J'attache une priorité importante au côté scientifique, jusqu'à une certaine limite quand même. Il y a des choses comme la machine à remonter le temps, un thème que j'ai repris; on pourrait dire que j'ai repris ce thème comme on reprend le thème d'un concerto de Beethoven où il y a je ne sais trop combien de solistes qui l'ont joué de façon différente. Il y a eu Jacobs, il y a eu Wells; moi, j'ai voulu retrouver le thème initial, le thème classique, mais d'une tout autre manière, c'est tout.
Vos scénarios sont en général construits de façon très logique, très systématique, c'est-à-dire que l'on va du plus grand au plus petit, du général au particulier, |