Solaris
Article posté par ΨYoko.
Paru le samedi 27 mai 2006 à 03:08
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Solaris
Oui.
Combien de brouillons faites-vous à partir du synopsis?
Je n'en fais pas. Je pars d'une idée générale. Comme j'ai onze mois pour réaliser une histoire, je fais confiance à mon imagination. Je vais, par exemple, partir avec les dix premières planches vraiment découpées.
Vous ne faites pas un découpage complet de l'album ?
Un découpage en trois ou quatre étapes. Donc les dix premières planches; j'essaie d'y resserrer l'action au maximum, puis j'élargis, et lorsque je me retrouve vers la planche 30, là je découpe entièrement tout et je termine jusqu'à la dernière planche.
Dans LES ARCHANGES DE VINEA, j'ai totalement modifié l'esprit du scénario au milieu de l'histoire. Je suis arrivé sur une charnière où je devais découvrir un sujet suffisamment puissant; je tenais la fin.
Dans LA LUMIERE D'IXO, c'est ce qui a compliqué l'histoire. J'ai donné trop d'importance au début et j'ai dû finir trop vite. J'ai voulu créer une civilisation et je n'avais pas assez typé mes personnages.
Cela ne vous incite pas à découper entièrement vos prochains albums avant de les commencer ?
Non. Dans LA FRONTIERE DE LA VIE, j'avais écrit et découpé tout le scénario et j'ai modifié beaucoup de choses. Vous savez, j'ai le scénario intérieurement, je le connais; c'est une remise en question constante. Je vais construire les planches et je vais voir d'une planche à l'autre s'il me manque une partie de l'action à certains endroits.
Votre découpage n'est donc pas écrit avant de commencer.
Non, je dessine. Je suis un homme d'images, alors je dessine un brouillon de page, j'écris mes textes dessus et je peux reprendre ces textes; j'identifie le premier jet, les corrections et le texte final par des disques de couleur, directement sur le brouillon. Chaque fois que je fais une correction, je sais où je suis: d'abord un disque noir, puis rouge, puis vert et bleu pour le texte définitif. Quand vient le temps de réaliser la planche, je le relis et essaie encore de la concentrer. Je fais donc un seul crayonné d'après le brouillon, puis l'encrage.
Avez-vous des assistants?
Non. A part Béatrice, la coloriste. Je préfère travailler seul. Peut-être un jour en aurai-je besoin.
Y-a-t-il des choses que vous n'aimez pas dessiner?
Des images qu'on ne reconnaît pas du tout... Non en fait, je bâtis mes histoires en fonction de ce que j'aime faire. Si je n'aime pas le dessiner, je ne le ferai pas de la bonne manière.
Ressentez-vous certaines difficultés à dessiner des personnages réalistes?
Je ne fais pas dans le réalisme; je suis dans un réalisme assez dépouillé. On éprouve toujours de la difficulté à créer de nouveaux personnages très réalistes. Il faut typer les visages; parfois on a tendance à refaire un truc que l'on a déjà fait, par facilité.
Si l'on regarde certaines cases de LA PROIE ET L'OMBRE, on voit que certains personnages sont plutôt raides, le docteur en particulier, surtout lorsqu'il tient le revolver à la main (pages 37 à 39).
Mais c'est parce que là il est habillé en noir; alors j'aurais dû faire plus souple, animer le vêtement noir. J'ai pris le parti de ne pas faire des plis dedans parce que dès qu'ils mettent de la couleur, ils laissent des blancs et alors on a des traits blancs dans le pantalon.
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Utilisez-vous des modèles anatomiques pour croquer vos personnages ?
Non, rien du tout. Il m'est arrivé de faire poser ma fille pour Yoko parce que c'était compliqué. J'ai fait à l'école beaucoup de nu, mais avec des modèles féminins seulement; alors quand je veux dessiner des hommes... Il m'arrive parfois de prendre des photos de mannequins.
Combien de temps prenez-vous en moyenne pour réaliser une planche ?
Je suis lent. Onze jours pour deux planches. Je fais tout, alors finalement je fais 72 heures par semaine, un travail de dingue. Ca dépend des cases aussi. Parfois, lorsque je n'ai pas passé 72 heures j'ai mauvaise conscience, je me suis dit que j'ai été trop vite, que j'ai volé les lecteurs, qu'ils n'ont pas le nombre de traits minimal. Parfois j'élargis les images et je me dis que ce sera plus rapide ainsi; mais non, car il faut remplir et c'est beaucoup de travail.
Vous sentez-vous à l'étroit à l'intérieur de 44 planches?
Non ...ça dépend pour quelle histoire. Et puis 44 planches c'est déjà pas mal pour passer 11 mois sur une histoire. Je me sens à l'étroit dans une histoire complète en 12 planches.
Avez-vous l'intention d'en faire d'autres ?
Non, sauf peut-être une de temps en temps, si j'ai au moins un bon scénario pour une courte histoire. Les lecteurs n'aiment pas en général.
Yoko convient peu à une histoire de Noël en 2 planches.
J'ai réussi une histoire de Noël en deux planches, mais je m'y sens moins à l'aise.
Le fait de travailler à SPIROU vous a-t-il causé certains problèmes au point de vue du contenu ?
Non, pas vraiment.
Y a-t-il eu censure de la violence dans certaines planches, comme la double mort de la fin de LA PROIE ET L'OMBRE ?
Oui, c'est une double mort, mais disons qu'ils le méritaient. C'est pas la justice ou Yoko qui est responsable, c'est le ... doigt de Dieu qui a frappé. Je n'ai pas montré les cadavres cependant.
Sauf celui du chien.
Oui, mais ça c'était normal parce que c'était mystérieux. Le seul problème de censure que j'ai connu c'est pour la couverture de LE FORGE DE VULCAIN; on m'a dit (en France) qu'il y avait de l'érotisme et de la violence. En fait c'est parce que l'on avait lancé l'album avant que la censure ait donné son autorisation. Ça les a fait enrager et ils ont refusé l'autorisation. Mais comme l'album était quand même vendu et que certaines personnes dans la censure estiment Yoko, ils ont fermé les yeux et se sont vengés sur un album d'Archie Cash qu'ils ont carrément interdit.
Devez-vous soumettre vos scénarios à la direction de Dupuis ?
Je ne le fais pas, non. Je raconte les scénarios par courtoisie, mais ils me font confiance.
Avez-vous subi des influences en BD ?
Certes, j'ai été influencé par l'école d'Hergé, par Hergé. Par des gens comme Jacobs, certainement. Par Martin.
Mais vous dites bien n'être pas le prolongement de Jacobs.
C'est une question de modestie. J'essaie de ne pas faire certaines erreurs de Jacobs en donnant une qualité personnelle. J'essaie d'être moi-même.
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