La presse

Article posté par ΨYoko.
Paru le lundi 14 août 2006 à 05:04
Vu 5026 fois.

La presse



«sortie» de l'action, coquette, victime des événements plus que pivot et investie de tout un ensemble de caractéristiques de la femme traditionnelle. J'ajoutais que j'aimais trop Yoko Tsuno pour la voir s'échapper ainsi.
Pour Roger Leloup, cela ne fait pas de doute, il n'y a pas d'érotisme dans les aventures de Yoko Tsuno.
 
Une amie ou une sœur...
 «Le seul érotisme que je concède, précise-t-il, n'est pas de l'érotisme mais de la fraîcheur. On ne reçoit pas Yoko Tsuno comme femme mais comme amie ou sœur. Elle a un corps de femme, c'est ce qui pose les problèmes. Par exemple, dans le prochain album, elle nage sous l'eau, vous voyez les difficultés que j'ai eues à ne pas trop dévoiler, à faire attention à certains angles, surtout qu'elle était en maillot. Eh bien! j'ai dû la rhabiller. Il ne faut pas que la BD soit un accès direct à un érotisme féminin. Pour moi, Yoko Tsuno est ma fille spirituelle et l'on ne déshabille pas sa fille.»
«On a reproché à mon héroïne, poursuit-il, d'être asexuée, aseptisée et trop garçon. J'ai toujours essayé de la doser au maximum et de mettre sa beauté en valeur sans jamais l'exagérer. Yoko Tsuno a comblé tous mes rêves, avec elle j'ai pu enfin raconter mes propres histoires: Et ce n'est pas facile en bande dessinée d'approcher l'univers de la femme.»
Mais avec tout le respect que j'ai pour M. Leloup et en sachant très bien que j'aurai ici l'avantage du dernier mot dont je ne veux pas profiter, je reste en désaccord avec la façon dont il a représenté son héroïne dans le dernier album. Avec Adèle Blanc-Sec, Yoko Tsuno est le personnage féminin le plus intéressant qui existe présentement dans la bande dessinée d'aventure.
En créant un héros féminin, Roger Leloup devait s'attendre à ce que soit soulevée la problématique de la représentation de la femme dans la bande dessinée. Yoko Tsuno est désormais passée dans le domaine public, elle n'appartient plus à son créateur.
Le fait par exemple que Yoko Tsuno se promène en robe de nuit une bonne partie de l'album, qu'on soit témoin de certaines scènes intimes, cela n'est pas un choix de dramatisation ou d'atmosphère, que la dite robe de nuit soit transparente ou non. Le choix est essentiellement dans la représentation de la femme dans des situations qui n'auraient pas d’équivalents dans l'univers masculin.
Entre la fraîcheur de Yoko Tsuno et la sensualité qu'on peut y déceler, il y a de la place pour tout ce que la femme peut apporter à la bande dessinée. Y aurait-ilun juste milieu entre la vamp et l'être asexué qui ne serait pas la «mère»?
Cela ne fait pas de doute que le lecteur, face à une bande dessinée, se met en position de voyeur. C'est un rôle que le lecteur assume mais dont il ne faut pas abuser. Quand Yoko Tsuno se met au lit, le lecteur est appelé à entrer dans une intimité et, à partir de ce moment, l'héroïne joue le rôle de celle qui est en train d'être vue. De cela, toute la gestuelle du. personnage en témoigne. Bien entendu, l'érotisme est dans le regard de celui qui regarde, maie peut-il être ailleurs? Il n'a pas le choix, il regarde quelqu'un qui se met au lit.
Nous ne voulons ni d'une amie, ni d'une grande soeur, ni d'une mère, ni d'une poupée de porcelaine, nous voulons simplement d'une Yoko Tsuno qui sente le monde avec son corps et son âme de femme, fussent-ils de papier. Qu'elle entretienne avec ses proches, avec Pol, Vie, Ingrid, Monya, Khâny, Poky, des rapports francs, sans sous-entendus pour ne pas froisser les fantasmes de quelques lecteurs fictifs. Et cette sensualité véritable n'est pas une question de rendu graphique ou esthétique. Yoko est japonaise, électronicienne, pleine de finesse forte mais aussi et avant tout, femme. On ne reprochera jamais à Roger Leloup de la rendre encore plus vraie.
La grande sensibilité de Roger Leloup, son ouverture d'esprit, son désir profond de garder à sont oeuvre sa très grande qualité, nous permettent ces exigences.
 
 
 (LA PRESSE, MONTRÉAL, SAMEDI 1er MAI 1982)
[ Imprimer cet article ]


Précédent

Aller à la page - 1 - 2 - 3 -


>>Masquer les commentaires [6]

Commentaire n°6/6 :: La presse (1982)

Remonter Posté le 07/06/2008 par Gaby

 
Jamais vu de faute dans un journal. C'est un record pour moi. Ce
journaliste l'attaque avec la robe de chambre comme si c'était
érotique ou ou qu'il écrit autre chose comme quand elle va se coucher
il trouve ça exotique. Je ne vois rien de ça et je ne vois pas le
rapport. Il y en a également de l'aventure dans les bandes dessinées.
C'est le journaliste le problème pas Roger Leloup. smiley sg23glangueg23g.gif
 
avatar

Cool!

Commentaire n°5/6

Remonter Posté le 13/09/2006 par malko10

 
je ne suis pas du tout choqué

MAIS il y a comme un revirement

il a du "causer" avec l'auteur

les 20 derniers lignes sont tres belles
 
avatar

Les intégrismes et les extremismes sont des refuges pour les plus faibles;
avec Yoko, faisons progresser la connaissance et l'amitié

Commentaire n°4/6 :: Un regard d'enfant... souillé...

Remonter Posté le 21/08/2006 par Gobol

 
Pour ma part, je suis quelque peu choquée par de tels propos... J'ai toujours beaucoup, beaucoup aimé "La Proie et l'Ombre", que j'ai toujours trouvé à la fois très beau graphiquement, très romantique, avec beaucoup d'action, et que j'ai toujours pu lire avec mon regard d'enfant, qui reste intact pour l'instant, malgré les années qui passent. Que l'on puisse y trouver ce que ce monsieur y trouve, ça me choque... J'ai toujours admiré les tenues de Yoko dans cet album, y compris sa chemise de nuit... Je la trouve tellement belle, et pourtant pas d'érotisme, pas ce côté "poseuse sortie de l'action" dont il parle (excusez-moi pour le raccourci, je suis un tantinet fatiguée...). Pour moi (comme d'habitude, cela n'engage que moi, bien sûr), Yoko est encore au centre de l'action, et pas du tout dominée par elle. Elle l'accompagne, tente de comprendre, y parvient... Rien d'érotique dans tout cela... Je mettais dans mon titre "souillé", parce que ce genre de propos est susceptible d'influencer la lecture des plus jeunes, qui découvriraient la bd, ou qui seraient encore trop influençables pour faire la part des choses... J'espère qu'ils sauront garder leur regard d'enfant, et trouver dans cet album comme dans les autres toute la poésie et la beauté, l'action que Roger Leloup a le don de nous faire partager tout au long de ces albums...
 
avatar

On ne trébuche jamais deux fois sur la même pierre.

Commentaire n°3/6

Remonter Posté le 19/08/2006 par Ek

 
Toute critique est subjective. Un journaliste est et reste un homme imparfait, déontologie ou pas. Ce monsieur aime Yoko, tant mieux, nous aussi. Il n'aime pas sa façon d'être, nous si. Alors réjouissons-nous avec ceux qui se réjouissent et laissons blâmer ceux qui blâment. La poésie, la féminité, les sentiments, Yoko...
Pour ma part je félicite M. Leloup d'avoir conservé à notre belle héroïne ce qui en fait son charme et qui est plus du domaine de l'enfance et de sa beauté, que des mauvaises pensées adultes.
Après tout, on ne voit que ce qu'on veux bien voir n'est-ce pas?!
 
avatar

Grandir avec Yoko...

Commentaire n°2/6

Remonter Posté le 17/08/2006 par +Hallberg

 
De la même façon que le corps social ne peut s'empécher de se poser la question "sera-t-elle capable?" à chaque fois qu'une femme accède à une responsabilité élevée (et que la presse ne peut s'empêcher de s'intéresser à sa tenue et autres détails drôlement utiles), la représentation des femmes en tant qu'héroïnes dans un livre inspire toujours aux journalistes des réflexions qu'ils n'auraient pas eu envers un personnage masculin. C'est à mon avis le signe des nombreuses rigidités, crispations, qui traversent encore une société habituée à des représentations mentales masculines. Ce texte a beau avoir bientôt un quart de siècle, je suis persuadé que ce genre d'entretien pourrait encore arriver, et toute mon admiration va à M. Leloup pour sa patience vis-à-vis de ce genre de bêtises.

Cherrrydean, qu'un québecois... sans doute smiley sg3agg29g.gif , mais ce qui heurte mon amour propre à moi, c'est qu'un européen aurait très bien pu faire la même chose. Je ne connais pas le Québec, mais je puis te dire que cette façon d'aborder l'art n'est pas conforme aux valeurs des européens de ma génération pour peu qu'ils aient une certaine éducation.
 
avatar

image

Opération Sisyphe
Avec la participation des ascenseurs Schindler