Rencontré d'abord au Salon du livre de Québec, ensuite chez Granger et Frères, le distributeur des Ed. Dupuis à Montréal, pour se revoir enfin au Centre Sheraton à la réception donnée à l'occasion de l'anniversaire de l'Empereur du Japon, le moins qu'on puisse dire de Roger Leloup, c'est qu'il est disponible. Mêlant les mots d'esprit à une amabilité de tout instant, allant rapidement d'un ton concerné à un plus intimiste, il a su durant son séjour au Québec se rendre intéressant. D'une tendresse peu commune, il dévoilera à Cocktail non sans une certaine pudeur, les rapports intenses qu'il entretient avec la création et plus précisément avec celle de Yoko Tsuno. Pour ne pas diluer l’esprit émotif de l'entrevue, pour la différencier d'un interrogatoire, nous avons autant que possible refusé d'en corriger le texte.
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dessinées dans le style de Jacky et Célestin, en plus humoristiques. Yoko fut créée pour cette bande, elle flanque une tarte à Jacky. J'ai gardé le personnage en réserve, j'ai bien fait d'ailleurs. C- Vous avez auparavant proposé une histoire à Greg, alors rédacteur en chef du journal Tintin? RL- Vous êtes au courant de tout, vous. (1) C'était Niki et Sosthème, l'histoire s'appelait "Lapin à la sauce", je crois. C'était un lapin qui sautait et qui se rechargeait à la lumière solaire. Greg a refusé. Il m'a dit que ça ressemblait trop à Peyo. Il avait entièrement raison. C- Vous avez schtroumpfé chez Peyo? (Rires) RL- Oui, j'en ai fait trois pages pour un journal hollandais. Ils ont passé également dans Spirou mais sans ma signature. C- Quel fut l'apport de Maurice Tillieux dans la création de Yoko Tsuno? RL- En fait Tillieux faisait les dialogues ainsi qu'une ébauche du découpage sur les synopsis que je lui remettait. Après la 3e histoire, il m'a dit: « Pourquoi je ferais du fric sur ton dos quand tu pourrais très bien faire le travail toi-même ». J'avais d'ailleurs réalisé les douze premières planches du "Trio de l'étrange", avant qu'on me dise d'arrêter la production. Les éditeurs allemands avec qui Spirou faisait également affaire, retardaient à donner leur réponse. Je leur ai dit qu'ils étaient très gentils mais qu'il fallait que je vive. On m'a alors proposé de réaliser des courtes histoires avec le personnage que je croyais le moins important dans la bande. J'ai cru que c'était Yoko. Ça a connu du succès. J'ai voulu refaire "Le Trio de l'étrange", on m'a dit, pas question, c'est Yoko qui marche. J'ai gardé le titre pour le premier album. Yoko je ne l'ai pas imposée, elle s'est imposée à moi. C- D'où tirez-vous les éléments nécessaires à une aventure de Yoko Tsuno ? RL- Ça dépend. Ça peut être un élément extérieur; vous trouvez le décor et vous trouvez le sujet, ou vous trouvez le sujet et alors le décor. À Rottenburg, lorsque j'ai réalisé « L'Orgue du diable », j'ai découvert la journée que je quittais la ville qu'une petite fille était morte gratuitement pendant la guerre. J'ai voulu la faire revivre, dans cette ville grâce à la magie du dessin. Ce fut alors « La Frontière de la vie ». C- C'est à l'intérieur de cet album que semble commencer, chez Yoko, un cycle où générosité et tendresse sont privilégiées, chose peu commune dans la bédé de Science Fiction... RL- Yoko, qui au départ est un personnage tendre, vit dans un monde inhumain, plutôt froid. C'est important
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C- Comment vous êtes vous dirigé vers la bédé? RL- Lorsque j'étais jeune, comme la plupart des autres je m'amusais à dessiner dans les marges de mes cahiers. Je n'ai pas fait de bonnes études. Chez nous, ils voulaient que je devienne coiffeur-dame comme mon père mais, comme ça ne m'intéressait pas, j'ai dit que je voulais faire les beaux-arts. Ils m'ont posé une condition. C'était d'avoir 80%. La première année j'en ai eu 90%. C'était gagné.
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RL- Oui, je me suis fait confier l'honneur de travailler sur le remake de "L'île noire". "L'île noire" fut, enfant, mon premier album de bandes dessinées. J'ai d'ailleurs gardé les avions fidèles à celles que j'avais aimées à l'époque. Dans "Vol 714 pour Sydney", Hergé m'a chargé de la conception et des plans du Carreidas 160 jet. J'en avais d'ailleurs fait une maquette en bois. A l'époque, comme j'adorais l'aéromodélisme, je buvais du p'tit lait, c'était l'occasion pour moi de faire la synthèse entre le modèle qui vole et mon dessin.
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C- Est-ce à ce moment-là que vous êtes entré au studio Hergé? RL- Je me destinais à la publicité, puis trois ans plus tard dans mes vacances, je me suis fait engager par Jacques Martin, le dessinateur d'Alix. Chez lui je faisais les chromos de "Voir et Savoir" pour Hergé, c'était l'histoire de l'aviation, des locomotives et de l'automobile. Martin, ensuite, renvoyait le tout à Bruxelles à 120 Km de chez lui et Hergé, lui, collait un p'tit Tintin dessus, C'était comme ça... Un jour, Hergé trouva stupide de travailler ainsi. Il a réuni tout le monde chez lui. C- Vous avez aussi travaillé sur les aventures de Tintin?
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C- En quittant les studios Hergé pour la maison Dupuis, vous n'avez pas créé immédiatement le personnage de Yoko? RL- Non, j'ai d'abord présenté quelques planches pilotes à Spirou pour une aventure de Jacky et Célestin, des personnages de Peyo. Il passait cette série à tous les dessinateurs avec qui il travaillait dont Will et Walthéry. On m'a répondu que c'était bien mais ils ne l'ont pas pris. Ils m'ont conseillé de créer mes propres personnages. Puis, avec Francis Bertrand, j'ai fait, pour le journal J2, "M. Bouchu et les penseurs de Rodin". Cela m'a permis de travailler sous mon nom, de me roder. D'ailleurs les premières planches de Yoko sont
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