L'entretien du mois: Roger Leloup
Article posté par Ψyoko.
Paru le samedi 9 octobre 2004 à 22:38
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L'entretien du mois: Roger Leloup
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Jean LETURGIE |
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m'a dit : "Je ne vois pas pourquoi j'irais gagner du fric sur ton dos, puisque tu es capable de raconter tes histoires aussi bien que moi". Je me suis lancé et... ça a marché ! Finalement les Allemands ont opté pour Astérix —je l'ai découvert en achetant "Eltern" en Autriche — et Dupuis a décidé de passer "Le Trio de l'Etrange" dans Spirou. J'ai donc repris l'histoire à la onzième planche, mais là s'est posé un problème. Par le truchement des histoires courtes, Yoko Tsuno était devenue une héroïne à part entière. Thierry Martens, alors rédacteur en chef de Spirou, m'a demandé de la mettre au premier plan. C'est ainsi qu'est née Yoko.
Qui a trouvé le nom ?
J'ai choisi son nom avec l'aide de Maurice Tillieux. Au début, je voulais l'appeler Yoko Shirushi, mais ça sonnait moins bien que Yoko Tsuno.
Après cette première épopée, vous avez réalisé deux histoires courtes.
J'ai embrayé sur une histoire en quelques planches pour un numéro spécial de Spirou avec l'arrière-pensée de publier plus tard un album reprenant les différents récits complets. J'ai ensuite dessiné "L'araignée qui volait" afin de compléter cet album. "L'araignée qui volait" reprend un scénario que j'avais créé pour Jacky et Célestin. Toutes les histoires courtes ont fait l'objet d'un album : "Aventures Electroniques ".
Les Vinéens reviennent régulièrement dans la série.
Au départ, je ne comptais pas les réutiliser, mais les lecteurs sont contents de les retrouver. Alors pour l'instant je fais une histoire sur deux avec eux. J'ai eu d'ailleurs beaucoup de mal à expliquer leur retour sur leur planète natale qui se trouve à quelques années lumières de la terre... J'aime dessiner les engins, mais je n'aimerais pas qu'on me mette une étiquette. Je ne voudrais pas qu'on me catalogue comme un auteur de science-fiction. C'est la raison pour laquelle je veux "gommer" un temps les extraterrestres des aventures de Yoko. Ils ne réapparaîtront que lorsque j'aurai trouvé un scénario très original. J'en avais un excellent mais malheureusement il y a eu "Alien". L'histoire du huitième passager est exactement celle que je me proposais de faire avec Yoko. Je ne peux évidemment pas la réaliser à présent, on dirait que j'ai plagié! |
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"La Lumière d'Ixo", dernière histoire mettant en valeur les Vinéens semble plus technique que les autres.
On m'en a fait la remarque. Les lecteurs trouvent que c'est un album plus ésotérique, plus compliqué. J'ai simplement voulu montré la stupidité
du sacrifice des hommes vis-à-vis d'une religion, d'un mythe. Les Vinéens exilés se déifiés eux-mêmes et en viennent à refuser le secours de leurs compatriotes. Quelqu'un, m'a dit que j'avais écris un roman, mais je ne le regrette pas car j'ai réalisé un album différent des autres. Chacun l'aborde avec son état d'esprit et en retire ce que bon lui semble. Apparemment les enfants ne trouvent pas "La lumière d'Ixo" plus compliqué que les autres histoires. Les adultes semblent avoir plus de difficultés
Vos histoires sont très différentes les unes des autres. On y trouve de la tendresse, du fantastique, de la technique...
Je les écris suivant mes pulsions du moment, et elles reflètent mes états d'âme. Celle que j'ai écrite le crayon dans le cœur, c'est "La frontière de la vie". Celle que j'ai écrite avec ma passion du fantastique, c'est "L'orgue du Diable". Pour les histoires de science-fiction, je ne me tracasse pas. Je commence dans un coin, je finis dans l'autre. Lors de la réalisation, j'ai une table vierge de tout document. J'invente tout ! Lorsque je dessine "L'Orgue du Diable", "La frontière de la vie", je croule sous les documents. J'ai deux façons de travailler totalement opposées.
Comment vous viennent vos idées ?
Cela varie. Pour "L'orgue du Diable", je me suis rendu sur place avec une idée de scénario bien précise. J'ai visité une église fantastique avec un orgue, et ayant lu auparavant des articles sur les infrasons, j'ai eu l'idée de "L'orgue du diable". D'une histoire au départ classique, j'ai fait un récit fantastique. Toujours dans la perspective de cette histoire, je suis allé à Rottenburg où le dénouement devait se situer. J'ai changé la fin et j'ai gardé Rottenburg en réserve. Rottenburg est une ville merveilleuse où j'aimerais |
avoir un pied-à-terre pour écrire mes histoires. Le dernier jour, alors que j'avais tous les éléments pour écrire "L'orgue du Diable", j'ai découvert un livre qui relatait l'histoire d'un bombardement où une petite fille de cinq ans avait trouvé la mort. Il se trouvait qu'à l'époque on parlait beaucoup de cette jeune américaine qu'on maintenait artificiellement en vie bien qu'elle fût dans le coma depuis plusieurs mois. Où commençait la frontière de la vie ? Où s'arrêtait-elle? J'ai tranché à ma façon, c'est-à-dire qu'on est contre le fait de prolonger la vie tant qu'il ne s'agit pas de son propre enfant. Cette jeune américaine dont je vous parlais tout-à-l'heure ne souffre pas, elle n'est pas consciente, et si elle a permis à la science de reculer la frontière de la vie, son sacrifice n'aura pas été inutile. C'est une position très dangereuse. Le scénario de la "Frontière de la vie" est le premier que je donnais à lire à des gens de connaissance. Je ne recommencerai pas l'expérience deux fois.
Pour vous qu'est-ce que la vie ?
La vie est, selon moi, principalement. biologique et mécanique, même s'il existe un petit quelque chose appelé l'âme. Nous ne sommes jamais que des magasins de données. Seul ce petit quelque chose nous permet d'effectuer un choix parmi ces innombrables données. Avec Yoko, j'essaie d'échapper à cette prison, d'envisager la vie de façon poétique, romantique.
Quels problèmes rencontrez-vous en tant que créateur?
Le problème primordial est celui de la page blanche. A ce stade, tous les auteurs sont égaux. Raconter une histoire en quarante-quatre planches est une contrainte.
J'aime les choses simples, j'aime la clarté, j'aime être compris. C'est pourquoi je ne tiens pas à me départir d'une certaine convention tant pour le scénario que pour le dessin. Je tiens aux trames strictes, linéaires, classiques. Parallèlement, j'ai l'amour du contraste. C'est du contraste que naît la synthèse. Le blanc n'existe que par rapport au noir. Les contacts entre les êtres ne sont possibles qu'à travers leurs |
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de l'étrange". Je les ai faites en collaboration avec Maurice Tillieux bien que son nom ne soit pas mentionné. En fait ma collaboration avec Maurice Tillieux se passait ainsi: je lui apportais le synopsis de l'histoire, et lui faisait les dialogues. Donc, j'ai dessiné les dix premières pages en partant d'une émission de télévision, car je m'occupais à l'époque d'une animation télévisée pour les studios Hergé, Je voulais mettre en scène une équipe de Télévision, réalisant des émissions à la frontière de la fiction. Tout doucement, j'ai commencé à élaborer le scénario et à présenter Yoko Tsuno. La scène qui se déroule sur la grue au début du "Trio de l'Etrange" était en fait beaucoup plus longue qu'elle n'est dans l'album. Elle devait s'étendre sur une douzaine de pages. Mais entre-temps, Monsieur Dupuis m'a demandé de faire de la science-fiction, et j'ai dû couper cette scène qui devait aboutir à une bagarre avec les bandits. Elle est devenue un simple prétexte à rencontre entre Vic, Pol et Yoko.
Lorsque les onze premières pages ont été prêtes, nous avons attendu la décision du journal allemand. 11 fallait que je gagne ma vie, Dupuis ne voulait pas que je travaille pour Peyo; il m'a conseillé de prendre le personnage le moins important du trio Vic, Pol, et Yoko et d'en faire le héros de petites histoires. J'ai pris Yoko qui au départ n'était dans "Le Trio de l'étrange" que comme faire valoir de Vic et Pol. J'ai fait deux histoires avec Maurice Tillieux, et à la troisième (Cap 351) il |
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