La Chine du XIe siècle
Article posté par Ψyoko.
Paru le mardi 4 janvier 2005 à 19:06
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La Chine du XIe siècle
La Chine au XIe Siècle Je vous prie de garder en mémoire que j’ai écrit ce texte en n’ayant comme référence que des sites internet. Mes livres spécialisés sur ces sujets sont à environ 15 000 km de moi! Alors certains passages sont écrits de mémoire. Aussi, je n’ai que l’album La Jonque Céleste avec moi, ce qui explique que je ne fais pas de référence à La Pagode des Brumes. | ||
Avec les albums 21 et 22, nous retrouvons Yoko dans le Sud de la Chine au tournant du 11e siècle. À cette époque, la Chine est sous la gouverne de la dynastie Song du Nord ( 北宋 , Bei Song ou PeiSung selon l’ancienne écriture romanisée du Chinois.) Cette dynastie a gardé le contrôle du pays de 960 à 1127 et jusqu’en 1279 sous le nom de Song du Sud. À noter que cette dynastie est chinoise (à l’opposé des Yuans, des Mongoles, et des Qings, des Manchous.) Les dynasties chinoises sont caractérisées par un fort développement culturel et économique du pays. L’empereur au moment où se déroule notre aventure est Zhen Zong ( 真宗 ou Tchen Tsong.) Celui-ci fut empereur de 998 à 1023. 1021, l’année où se déroule La Jonque Céleste, est donc vers la fin de son règne. Puisque peu d’informations sont disponibles sur sa vie, il semble n’avoir été qu’un empereur mineur, ne faisant que poursuivre les réformes de ses prédécesseurs. Celles-ci portant sur la centralisation du pouvoir vers la capitale de l’époque, Bianjing (aujourd’hui Kaifeng), et le développement des villes non plus seulement en centres administratifs, mais également en centres économiques et culturels1. Contrairement à ce qui est dit dans l’album, il ne semble pas avoir eu le désir de déplacer la capitale vers le sud. Ce n’est que 100 ans plus tard, alors que les barbares du Nord ont envahi le pays que la cour Song se vit forcer de déplacer la capitale vers le sud, à Hangzhou.
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Côté architecture, c’est le début du retour vers la sobriété après les excès de l’époque des Tang ( 唐 , 618-907). Ce retour s’étendra jusqu’à la dernière dynastie, les Qing ( 清 , 1644-1911). Sous les Song, les extrémités des toits continuent de se relever2,mais les fioritures colorées de la charpente des toits se font plus modestes.Les structures se font aussi moins massives. Les couvertures sont faites de tuiles arrondies en céramique, afin de reproduire les branches de bambou comme cela se faisait plusieurs siècles plus tôt. Naturellement, les corps des bâtiments sont peints en rouge, couleur de l’espoir en Chine, et ce, quelle que soit la dynastie. Ces deux derniers points, les toitures de tuiles et lacouleur rouge, ne sont pas, cependant, des innovations de l’époque Song. | Le Hall de la Mère Sacrée, construit entre 1023 et 1032. |
Entrée d’un temple bouddhiste de l’époque Song. | En regardant les constructions de la Cité Interdite qui fut construite sous les Yuan ( 元 1276-1368), on peut constater que les coins des toits ne remontent plus du tout et s’étendent beaucoup moins au-delà de la charpente. Les pagodes et les pavillons Song sont habituellement à base carrée, quelques-unes, toutefois, sont à base octogonale. Bien que les Song soient une dynastie chinoise, donc tournée vers la culture, leur architecture n’apporte que peu d’innovations. C’est, au mieux, le bon goût de la modestie qui prend le dessus sur les extravagances des Tang. Pour l’analyse de l’album, le pavillon des pages 24 à 26 serait peut-être un peu sobre pour l’époque. La structure sous le toit devrait être un peu plus lourde et probable- |
ment plus colorée. Pour ce qui est de la pagode des pages 27, 36 et 42, celle-ci semble être pleinement dans sont temps. Effectivement, les toits de pagode ont toujours été moins exubérants que ceux d’autres constructions. Quant aux maisons de la première vignette de la page 36 (ainsi qu’en 2ème et 3ème couverture), avec leurs pans droits et aucune fioriture, elles semblent être bien en avance sur leur temps. Pour ce dernier point, à la défense de M. Leloup, c’est un détail probablement trop fin pour pouvoir être visible dans une page de bande dessinée, d’où l’omission. En matière vestimentaire, la mode est aux vêtements longs et aux manches très amples, tant pour les hommes que pour les femmes. Les manches sont légèrement amples au niveau des épaules et s’ouvrent perpendiculairement à la ligne des épaules avant de s’allonger. Ces manches sont généralement trop longues et viennent cacher les mains. Naturellement, il s’agit ici des vêtements de la noblesse et de ceux qui les entourent. Ai-je besoin de préciser que la matière première est déjà la soie? Ces vêtements sont ceinturés à la taille pour les hommes et sous la poitrine pour les femmes. L’empereur est généralement en jaune (bien que l’exemple ci-dessous soit rouge), couleur qu’il est le seul à avoir le droit de porter. Notez | La Pagode de Fer, fin des Tang, début des Song. |
Vêtement de l’empereur La robe de l'impératrice | la multitude de phénix sur l’image de la robe de l’impératrice. Il s’agit du 2e animal en importance en Chine; le dragon est le premier, il représente l’empereur. Encore une fois, ce n’est pas nouveau sous les Song, mais un peu culture générale ne fait de mal à personne! Pour les mandarins (fonctionnaires impériaux, classe de lettrés riches et influents), les vêtements sont longs aussi, mais les manches amples à l’épaule s’ouvrent droites. Ils sont généralement d’une couleur sobre et unie. Sous celui-ci, ils portent un pantalon. Chacun des rangs mandarinaux s’accompagne d’une sorte de chapeau et d’une ceinture que les plus connaisseurs peuvent reconnaître. Les militaires portent des vêtements particulièrement colorés et un pantalon ample. Un plastron, des cuissards et des épaulettes de métal (d’acier ou de cuivre) les protègent des lames et des flèches, mais aussi des nouvelles armes de leurs adversaires, armes dont je parlerai rapidement plus loin. Je dois donc avouer que je suis un peu déçu par les vêtements dans l’album 22. Tous ces personnages autour d’une épouse de l’empereur portent des vêtements à manches courtes par-dessus d‘autres vêtements à manches étroites. Je crois que c’est vraiment improbable. Le vêtement du prince Wang n’a que de très étroites manches et est plutôt sobre pour une personne de son rang. Cependant, sa coiffe est très réussie ! Les militaires que l’on voit en page 36 portent des vêtements beaucoup trop légers. Ceux-ci devraient être plus longs et le matelassé devrait descendre au moins jusqu’au genoux. Il reste le conseillé Tch’ou ( 周 ou Zhou selon l’écriture latinisée actuelle) qui, lui, est très bien. Comme je le mentionne sous le |
Vêtement militaire | Autre superbe exemple. Notez la hauteur de la taille. | Voici une image d’un mandarin qui devrait vous rappeler un certain conseillé Tch’ou. |
dessin un peu plus haut, on dirait presque que celui-ci a servit d’inspiration, tant pour la forme des vêtements que la barbe, les favoris et la forme du visage du personnage. La Chine est la mère de plusieurs grandes inventions telles le papier, la soie, la porcelaine, la poudre à canon, l’imprimerie à caractères mobiles (et non, ce n’est pas Gutenberg), le sismomètre3 et la boussole4 pour ne nommer que celles-là. Cependant, celles-ci étaient en grande majorité déjà connues à l’époque des Song. Ceux-ci ont quand même aidé ou ont profité du développement de ces inventions. Par exemple, la porcelaine translucide faite à base d’os était déjà connue sous la dynastie Tang.5 Mais il semble que c’est sous la dynastie Song que les grandes manufactures se créent.6 Celles-ci se construisent autour de différents centres, comme le fameux JingDezhen (King-te-tching), encore une référence de nos jours. La poudre à canon fut également développée sous les Tang, mais c’est à l’époque des Song que pour la première fois des écrits font mention de cette invention.7 L’utilisation militaire de la poudre au début de cette dynastie n’était qu’à des fins explosives (le principe de la grenade.) Avec le temps, l’idée de l’utiliser pour la propulsion d’un projectile fait son chemin. Mais, on se trouve alors au début du 12e siècle. Puisque l’armée Song utilisait la poudre, elle en connaissait les effets. Les militaires portaient donc des vêtements en conséquence. C’est bien à Bi Sheng ( 毕升 , ?-1051) quel’on doit l’imprimerie à caractères mobiles. L’imprimerie en Chine avait déjà une longue histoire à l’époque des Song. Déjà sous les Han ( 汉, 207 av. J.C.- 221 de notre ère) le principe de reproduction d’un document par frottis était courant. On gravait dans une stèle le document, puis on appliquait un papier sur la stèle. En frottant, probablement à l’aide d’un fusain, sur le papier, on obtenait la reproduction du document (comme le fait Indiana Jones alors qu’il est à la recherche du saint Graal.) Certaines de ces stèles sont encore visibles dans l’ancienne capitale de l’Empire du Centre, Xi’an. Chez les Song, le principe avait évolué, mais une étape manquait toujours. Bi Sheng,ayant appris les difficultés du métier de graveur pour imprimerie où il devait passer de longues heures à graver chacune des pages dans son intégralité, mit au point le système d’imprimerie à caractères mobiles. Pour former ses caractères, il utilisa la terre cuite.8 En philosophie/théologie, les 3 grandes lignes de pensée (confucianisme, bouddhisme et taoïsme) sont déjà bien établies depuis longtemps. Je mets ensemble philo et théologie puisqu’il en est ainsi en Chine. Effectivement, les Chinois ont élevé des temples pour KongFu Zi ( 孔夫子 ou Confucius, de son nom latin, le philosophe bien connu,551-479 avant JC9), où il est prié comme un dieu. De plus, il y a quelques années, à la question : «De quelle religion êtes-vous? », plusieurs Chinois répondaient : «Communiste! » Ce qui vous montre bien la conception qu’ont les Chinois de la religion... ou de la philosophie. Chez les Song, le confucianisme, un système social en vigueur depuis plus de 1000 ans10, reçoit quelques modifications, on parle désormais du néo-confucianisme11. Ce nouveau système survivra jusqu’au XXe siècle. C’est un philosophe du nom de Zhu Xi ( 朱熹 , Chu Hsi, 1130-1200) qui vient remettre cette philosophie au goût du jour. Il y intégrera des influences taoïstes et bouddhistes.Également à cette époque, des modifications sont faites afin de rendre les postes mandarinaux accessibles au plus grand nombre. La philosophie originale se voulant très hiérarchique, cette nouvelle approche ouvre la porte à un certain mélange des classes. Les postes s’obtenant par concours (basé sur la connaissance et la capacité à réciter par cœur les grands classiques, tel Confucius), seule la classe aristocratique avait accès à une éducation suffisante pour pouvoir réussir ces examens. Suite à ces modifications, des collèges et universités sont créés, rendant cet enseignement accessible à d’autres classes. De son côté, le bouddhisme reprend vie. Chez les Tang, et plus précisément en 845, le bouddhisme est fortement persécuté12. Les riches marchands voulant éviter une trop grande taxation de leurs richesses, préfèrent en faire don aux temples locaux qui, eux, sont exempts de taxes. Pour cela, les temples et leurs moines seront accusés d’insoumission à l’empereur. Ils seront chassés et défroqués. Mais une branche du bouddhisme parvient à survivre et s’impose aux XIe siècle, les Chan (qui deviendra le Zen au Japon.) Cette branche préconise le détachement du corps et de l’esprit. Elle met l’emphase sur la méditation13. Les taoïstes, eux, jouissent de la protection impériale. C’est une époque de grand développement. Le clergé taoïste, tant du côté des hommes que des femmes, se hiérarchise. Il s’approprie les dieux locaux à qui il attribue également une hiérarchie14. En art, la période Song est des plus riches de l’histoire de la Chine. Cependant, comme dans tous les autres domaines, fort peu innovatrice. Je voulais surtout attirer l’attention sur la QingMingShangHeTu ( 清明上河图 ) une peinture dont l’originale date de l’époque Song. Peinte par Zhang Zeduan, ( 张择端 , actif15 de 1111-1126 env.)16 un peintre à la cour impériale, elle représente la capitale, Bianjing (aujourd’hui Kaifeng), à cette époque. L’original fait 25,5cm par 525 cm. Elle fut reprise plusieurs fois. La plus célèbre d’entre-elles est probablement celle qui fut faite à l’époque des Qing (1644-1911), sous QianLong ( 乾隆 , 1711-1799, empereur de 1736 à 1796), l’empereur qui dirigea la Chine alors qu’elle était la nation la plus développée au monde. L’original, conservé à la Cité Interdite, est fort endommagé, alors que la reproduction de l’époque Qing, conservée à Taiwan, est en excellent état. Cette toile à plusieurs centaines de personnages qui ont tous un visage différent, d’où la réputation de l’œuvre. La section du pont qui apparaît aux environs du ¾ de la peinture vers la droite, est particulièrement célèbre. Je me permets de croire qu’elle a servi d’inspiration pour la Pagode des Brumes. Cette peinture est également merveilleuse pour voir et comprendre l’architecture et les habitudes de vie de l’époque.
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La « section du pont » | ||
Ce qui me semble être très ressemblant. Notez la forme des parasols, la structure du pont et le nombre de montant de celui-ci, même les ânes qui portent des sacs étaient sur la toile originale. | ||
Un dernier point, Marco Polo est venu en Chine au temps des Yuan ( 元 , 1276-1368). Il rencontra le Grand Khan, Kublai Khan pour la première fois en mai 127517. Certes, il n’était pas le premier blanc à mettre les pieds en Chine. Déjà au temps des Tang, leur capitale, Chang’an (aujourd’hui Xi’an, là où sont les soldats de terre cuite) était fréquentée par des gens de tous les coins d’Europe, d’Asie et probablement aussi d’Afrique. Mais il s’agit là de la capitale, bien au centre de cet Empire du Milieu. Guilin, cependant, est dans le Sud-Ouest de la Chine. À l’époque des Song, elle ne devait sûrement pas être très fréquentée par les gens à la peau blanche. Aujourd’hui encore, à moins de 200 km de la capitale, dans une grande ville comme Tianjin, les gens à la peau blanche provoquent la surprise. J’image la situation il y a de cela 1000 ans! Je suis surpris du peu d’attention qu’ont Pol et Vic dans La Jonque Céleste. Pol, comme on le connaît, devrait être aux anges de voir toute l’attention dont il peut faire l’objet. Mais là, je fais vraiment dans le détail... Si vous avez des questions, n’hésitez pas. Il me fera plaisir d’essayer d’y répondre. Par Sopid avec la précieuse aide de Jasmine (surtout pour la lecture des sites web en Chinois!) Gros merci à Gobol pour la précieuse correction! Source des images : Autres sources : http://www.orientalarchitecture.com/suzhou/mysteryindex.htm http://www.farworldart.com/html/chinese-history.htm http://www.memo.fr/article.asp?ID=MOY_CHI_004#Som0 Sur le Bouddhisme au Japon : http://www.zen-occidental.net/articles2/dogen1.html Notes : [1]http://www-chaos.umd.edu/history/imperial2.html#song |
Commentaire n°13/13
Je m'appelle Emilia Mac Kinley... Mon père est écossais, ma mère russe... et j'ai pour surnom Petrushka...
J'ai 14 ans et je suis la mystérieuse compagne de Yoko dans le 24ème album en cours d'achèvement... Il te faudra attendre cet album pour en savoir plus...
Je me suis infiltrée prématurément sur votre site pour être simplement auprès de vous et je me dévoile un peu pour ne pas créer de mystère...
Le reste viendra plus tard... Prends patience... C'est la mère de la vertu
Bises EMILIA
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Commentaire n°12/13
parle moi un peu de toi stp
!!!
Les intégrismes et les extremismes sont des refuges pour les plus faibles; |
Commentaire n°11/13
On ne trébuche jamais deux fois sur la même pierre. |
Commentaire n°10/13
Moi mon truc, c'est plutôt les Celtes de toutes les époques, médiévaux et antiques. La Chine c'est pas mal exotique. Même si dernièrement j'ai été voir l'expo Confucius au musée Guimet. Enfin, j'ai dû vivre à Hong-Kong à une certaine époque, probablement au XIX e siècle comme pirate. J'ai raconté cela bièvement dans la saga du Cormoran. Il était amoureux d'une jeune Anglaise nommée Alice, mais il n'a pas encore pu l'épouser parce qu'il était un déserteur de la colo et un trafiquant d'opium... Je m'en raconte des histoires au coin du feu...
Commentaire n°9/13
Excuse mon impertinence... J'ai 14 ans... Mon père est écossais... Ma mère était russe et si on me surnomme Pétruchka,... mon vrai nom est Emilia Mac Kinley... et je suis très liée à Yoko (la vraie, bien sûr) Amitiés... EMILIA
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