Leloup dans La Vie du Rail, Novembre 1993
Article posté par +Hallberg.
Paru le mardi 18 novembre 2003 à 00:21
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Leloup dans La Vie du Rail, Novembre 1993
Jusqu?au milieu des années 1990, le magazine ?La Vie du Rail? consacrait régulièrement quelques pages aux représentations du chemin de fer dans l?art et la littérature. C?est à ce titre que parut en 1993 cet article consacré à Roger Leloup. Le dessinateur y évoquait son enfance et les racines de son intérêt pour le monde ferroviaire. Les trois pages étaient illustrées de quelques cases de L?Or du Rhin. Le journaliste, Jack Chaboud, a signé aux éditions La Vie du Rail un ouvrage important sur les trains dans la bande dessinée, ?Quai des Bulles?. | ![]() |
LE ?RHEINGOLD?, HÉROS DE BANDE DESSINÉE
Par Jack Chaboud (La Vie du Rail N°2421, 24 Novembre 1993)

Créateur de la célèbre Yoko Tsuno, ancien collaborateur d?Hergé, Roger Leloup a grandi près d?une voie ferrée, admirant ?les seigneurs du rail. En 1989, une petite loco va le replonger dans cet univers et il est aujourd?hui un mordu de modélisme. Dans son dernier album, Yoko partage la vedette avec ?L?Or du Rhin?.
Né à Verviers, en Belgique, en 1933, Roger Leloup a gardé de son enfance dans cette ville des souvenirs étroitement liés au chemin de fer : ?Le salon de coiffure de mes parents était situé le long de la voie ferrée, à mi-chemin de la gare de triage et de la gare de voyageurs.?
Entre les deux gares, il y a un tunnel où le petit Roger va voir s?engouffrer et déboucher les locomotives, et au dessus duquel il fonce en vélo dans les panaches de fumée.
Né à Verviers, en Belgique, en 1933, Roger Leloup a gardé de son enfance dans cette ville des souvenirs étroitement liés au chemin de fer : ?Le salon de coiffure de mes parents était situé le long de la voie ferrée, à mi-chemin de la gare de triage et de la gare de voyageurs? Entre les deux gares, il y a un tunnel où le petit Roger va voir s?engouffrer et déboucher les locomotives, et au dessus duquel il fonce en vélo dans les panaches de fumée. | ![]() |
?Notre quartier vivait au rythme des trains, ajoute-t-il, et les mécaniciens faisaient souvent leurs manoeuvres près du salon, pour jeter un coup d?oeil dans le coin des dames. Ca mettait ma grand-mère en fureur, à cause de la fumée qui salissait son linge séchant en contrebas de la voie.? Pendant que la vieille dame apostrophe les seigneurs du rail, ceux-ci cueillent son petit-fils et le juchent sur une caisse pour l?installer aux leviers de leur machine. Durant la guerre, alors que son père était prisonnier, le jeune Leloup est très entouré par un grand-père qui lui transmet sa passion pour les châteaux-forts, l?aquarelle, et une mystérieuse inconnue avec qui il a de quotidiens rendez-vous... C?est, bien-sûr, encore une locomotive.
![]() | ?À cette époque, en hiver, se souvient Roger Leloup, les roulants étaient nos bons anges car ils s?arrangeaient toujours pour répandre du charbon sur le ballast.? Il poursuit : ?Je n?avais pas besoin de train jouet puisque mon quartier était un réseau miniature, où je pouvais contempler les machines dont j?entendais dans la nuit le halètement et le cognement des bielles. l?aventure était aussi là, avec les convois allemands hérissés de canons de DCA et de mitrailleuses, dont mes copains et moi bombardions les servants de boules de neige. Plus tard, il y a eu les trains de prisonniers, dont certains s?évadaient en ville le visage noirci par le charbon, plus tard encore des trains de blessés sont arrivés d?Allemagne.? | ![]() |
Malgré ces moments pénibles, le petit Roger découvre les romans de Dickens et de Jules Verne et, comme tous les enfants uniques, il se crée des univers imaginaires peuplés de monstres et de douces captives.
Au lendemain de la guerre, il obtient le diplôme d?arts graphiques de l?institut Saint-Luc, à Bruxelles, et travaille ensuite trois ans dans la publicité, avant de rencontrer un des proches collaborateurs d?Hergé, Jacques Martin - le créateur d?Alix - qui lui confie les dessins d?une encyclopédie de la locomotion.
C?est ainsi qu?il entre au studio Hergé où il passe quinze ans, réalisant en particulier les machines de la dernière version de l?album de Tintin le plus ferroviaire : L?Île Noire.
Pendant toutes ces années, Roger Leloup se passionne pour la mécanique et l?électronique. Fervent aéromodéliste, il est deux fois champion de Belgique de vol circulaire. Rien d?étonnant donc à ce qu?il conçoive, en 1968, une héroïne électronicienne, pilotant avions et fusées, mais également inspirée des figures angéliques de ses rêveries passées. Une héroïne dont les traits asiatiques rapellent ceux de l?actrice japonaise Yoko Tani.
Porteuses des visions humanistes de leur auteur, les aventures de Yoko vont aborder des thèmes de science-fiction, ou se dérouler dans les atmosphères fantastiques de châteaux médiévaux et des légendes rhénanes.
Au lendemain de la guerre, il obtient le diplôme d?arts graphiques de l?institut Saint-Luc, à Bruxelles, et travaille ensuite trois ans dans la publicité, avant de rencontrer un des proches collaborateurs d?Hergé, Jacques Martin - le créateur d?Alix - qui lui confie les dessins d?une encyclopédie de la locomotion.
C?est ainsi qu?il entre au studio Hergé où il passe quinze ans, réalisant en particulier les machines de la dernière version de l?album de Tintin le plus ferroviaire : L?Île Noire.
Pendant toutes ces années, Roger Leloup se passionne pour la mécanique et l?électronique. Fervent aéromodéliste, il est deux fois champion de Belgique de vol circulaire. Rien d?étonnant donc à ce qu?il conçoive, en 1968, une héroïne électronicienne, pilotant avions et fusées, mais également inspirée des figures angéliques de ses rêveries passées. Une héroïne dont les traits asiatiques rapellent ceux de l?actrice japonaise Yoko Tani.
Porteuses des visions humanistes de leur auteur, les aventures de Yoko vont aborder des thèmes de science-fiction, ou se dérouler dans les atmosphères fantastiques de châteaux médiévaux et des légendes rhénanes.

Les trains de Verviers sont bien loin lorsque, un jour de 1989, Roger Leloup voit ressurgir le passé dans une boutique de modèles réduits où il reconnait ?une type 01 de mon enfance.? Il l?achète immédiatement, véritable déclic d?une passion dévorante. Installé à Wavre, près de Bruxelles, il est maintenant à la tête d?un parc de 150 locomotives et d?innombrables voitures et wagons. Il précise : ?Je n?ai pas acheté ces machines pour les mettre en vitrine, elles roulent toutes sur mon circuit intérieur de 51 mètres ou sur mon circuit de 45 mètres dans mon jardin.? Et il continue : ?j?aime leur faire donner leur puissance, mais attention, dans le respect de la vitesse des machines réelles à leur échelle.?
Au fil de ses achats, il réunit une importante documentation technique et historique sur ses acquisitions, dont un premier train de rêve, un Orient-Express de 1930 ?tiré par une 140 de chez Roco, avec les fameuses voitures LX à toit blanc de chez Rivarossi.?
Enfin, il y a deux ans, il fait une nouvelle rencontre avec le modèle réduit d?un autre train de luxe, l?Or du Rhin, le Rheingold allemand. À travers lui, c?est la nostalgie de son enfance, le monde de ses rêves, et les aventures de Yoko Tsuno qui se trouvent réunis.
Mystère à la japonaise à bord de ?L?Or du Rhin? Pour faire suivre à son héroïne, Yoko Tsuno, les méandres du Rheingold, Roger Leloup a fait des repérages sur un parcours qui lui était déjà familier. Il a aussi passé deux jours en gare de Cologne pour observer le mouvement des trains. Puis, il a réalisé des montages photos et réuni une documentation dont l?ouvrage de réference est le ?Rheingold? paru chez Motorbuch Verlag. Pour reproduire le train, il a également filmé la rame 1928 de ses modèles réduits, n?hésitant pas à démonter machine et voitures pour obtenir des vues particulières de certains éléments. ?Avec mon style graphique très précis, commente-t-il, j?ai eu beaucoup de difficultés à ne pas figer les mouvements de la locomotive, et je ne peux pas tricher en masquant la machine par un nuage de fumée, car le ?Rheingold? fumait peu !? Rappelons la trame de cet épisode des aventures de Yoko Tsuno. À cause de l?agression d?une compatriote et de la découverte d?explosifs dans sa voiture, Yoko se retrouve à la gare centrale de Cologne, face à son vieil ennemi Ito Kazuky. Le milliardaire se prépare à négocier avec des Allemands un contrat fabuleux dans... une rame du ?Rheingold? qu?il a fait restaurer, en lui adjoignant sa propre voiture aux équipements informatiques sophistiqués. Le train qui s?ébranle recèle bien des mystères et de curieux personnages. Tandis que le convoi roule le long de la vallée du Rhin, chantage, affrontements et meurtres se succèdent avant qu?une machination ne se mette en place pour la possession d?une terrifiante ?chambre du néant? située dans la voiture de Kazuky. Mais Yoko et ses amis veillent. Un excellent suspense, doublé d?un régal pour l?amateur de reconstitution ferroviaire, avec 34 pages de vues générales, de gros plans intérieurs et extérieurs de machines, voitures, gares, ponts... Les dix-neuf aventures de Yoko Tsuno sont parues aux éditions Dupuis. Plus de cinq millions d?albums ont été vendus dans le monde. À noter que dans l?Orgue du Diable, la jeune japonaise, menacée d?être abattue par un tueur sur une voie de la vallée du Rhin, est sauvée par l?irruption d?une CC ?E 94? des années 50... |
Sur les quatre voies de sa gare de triage, Roger Leloup effectue des changements de locomotives grâce à un électro-aimant, et il fait circuler tous les types de convois de l''histoire du "Rheingold" disponibles en modèles réduits.
Il peut ainsi faire tracter des rames à six ou treize voitures Rivarossi ou Lilliput - dont les élégantes voitures violet et crème de la rame d''origine - par des 18.4 Lilliput, S 3/6 bavaroise, ou IV-h badoise.
Les voitures (ADE) illuminées de son "Rheingold" de 1962 sont tirées par différentes motrices électriques Fleischmann.