Yoko à la frontière de la vie
Article posté par ΨYoko.
Paru le mardi 3 mai 2005 à 03:27
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Yoko à la frontière de la vie
ROGER LELOUP Suite de la page 5 commence à diversifier ses
activités dans la bande dessinée.
R.L. : « Après quatorze ans chez
Hergé, j'ai commencé à réfléchir à certaines choses. Ce n'est un secret
pour personne qu'Hergé produisait de moins en moins d'albums de bande
dessinée. J'ai aussi voulu travailler sous mon nom. Ce n'est pas une
question de vanité : j'étais un « nègre », inconnu de tous les
éditeurs.
» Et puis, j'avais une histoire
à raconter. Un jour, Francis Bertrand, qui dessine les aventures de
« Marc Lebut et son Voisin » dans Spirou, m'a proposé de l'aider pour une
histoire qu'il dessinait dans un journal français. »
- C'était nouveau
pour vous. Et un total changement de style ?
R.L. : « C'est ce qui
m'intéressait. Je trouvais cela amusant. Mais rassurez-vous : j'ai
commencé par dessiner les décors ! Par la suite, lorsque Francis a repris
une histoire créée par Peyo («Jacky et Célestin »), j'ai repris une partie
du dessin. Peyo l'a remarqué et m'a proposé de travailler pour lui
sur les planches de « Benoît Brisefer >>. Peyo se demandait
si Walthéry continuerait la série, vu que ce dernier sa consacrait à «
Nata-cha ».
- C'est donc par
Peyo que vous avez abordé « l'école Dupuis » ?
R.L. : « Oui, Peyo m'a
demandé de reprendre « Jacky et Célestin ». Mais « Le Soir illustré »,
qui avait publié cette série, a
préféré une autre bande dessinée. Nous avons pensé proposer « Jacky
et Célestin » à Spirou, mais l'éditeur voulait de nouveaux personnages.
C'est à ce moment que Peyo m'a conseillé de voler de mes propres ailes et
de créer mes personnages. Il m'a présenté à Maurice Tillieux, un
dessinateur et un scénariste de talent. »
- Comment se présentait cette
collaboration ?
R.L. : « J'écrivais un
synopsis, et Tillieux faisait le découpage, c'est-à-dire l'agencement
des cases, des dialogues, page par page. Mais, en même temps, je dessinais
des Schtroumpfs pour Peyo. Et c'est au moment où la série « Yoko Tsuno » a
pris de l'importance que j'ai cessé de travailler avec Peyo. Je n'hésite
pas à dire que j'ai une fameuse dette de reconnaissance envers Tillieux et
Peyo. »
- Vous aviez donc quitté le studio Hergé ?
R.L.
: a Oui. Au grand étonnement d'Hergé, car nous n'avions pas de griefs,
l'un comme l'autre.
»
- Vous avez cité
pour la première fois le nom de Yoko.
R.L. ; « Pour l'histoire de
Jacky et Célestin, j'avais créé un personnage japonais, un peu bête
et adipeux. Il avait inventé une araignée volante (thème dont je me suis
servi plus tard, en le modifiant), dont il ne savait que faire —
toujours la machine qui joue de sales tours aux hommes. Jacky et Célestin
se proposaient de l'aider. Comme il n'y avait pas de moyen de liaison,
j'ai adjoint au Japonais une soeur, frêle et mignonne, qui pratiquait
judo, karaté, arts martiaux. »
- C'était Yoko ?
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Un hobby en relation directe
avec le métier de Roger Leloup : la petite
aviation...
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R.L. : « Son ancêtre, si j'ose dire. Elle m'avait été inspirée par l'actrice de cinéma Yoko Tani.
Pour le prénom, en tout cas. A la Noël 1968, mes enfants ont souffert
d'une intoxication alimentaire. Un réveillon raté. J'ai crayonné un
personnage : Yoko. Chose assez amusante : c'est à la veille de la Noël
1969 que M. Dupuis a accepté que Yoko devienne une héroïne du journal de
Spirou. Autre coïncidence : Yoko est apparue pour la première fois dans le journal le
24 septembre 1970, date
anniversaire d'une de mes filles. »
- Et Jacky et Célestin sont
devenus Pol et Vic ?
R.L. : « Oui, si l'on admet
que ces personnages passaient au second plan. Pol et Vic — et Yoko —
formaient une équipe TV. J'ai trouvé cette idée en allant faire, pour le
compte d'Hergé, un petit montage de dessins avec le réalisateur Gérard Lovérius. C'était l'époque où
l'homme avait marché sur la Lune pour la première fois.
» Cette idée m'a poursuivi, et
j'ai songé à une équipe composée d'un réalisateur, Vic, et d'un caméraman
assez farfelu, Pol, et d'une scripte, Yoko. Elle devenait aussi ingénieur
du son et électronicienne. C'est à ce moment-là que Tillieux a travaillé
pour les scénarios du « Trio de l'Etrange ».
» Lorsque
vous dites que Vic et Pol étaient
passés au second plan, je voudrais apporter un correctif. Ce sont les lecteurs
qui ont fait de Yoko la « vedette » de l'histoire. Après les trois premières
histoires complètes de « Trio de l'Etrange », j'ai voulu reléguer Yoko au second plan. Mais on m'a
fait remarquer qu'elle
emportait tous les suffrages.
Synopsis : Où il est question
de la poésie de l'Orient mystérieux. Comment évoluent des personnages de
bande dessinée ? Fascination de la science-fiction et des miracles de
la science tout court. Réflexions diverses, où l'on commence à entrevoir
le pourquoi de cette interview.
Planche 3 :
Voilà Yoko consacrée. Au long de
six albums (« Le Trio de l'Etrange », « L'Orgue du Diable »,
« La Forge de Vulcain », « Aventures électroniques », « Message pour
l'Eternité » et « Les trois Soleils de Vinéa »), on apprend à
la connaître. Et son
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créateur. Bien qu'il déteste qu'on
parle de lui. Ne répète-t-il pas à
l'envi qu'il n'est qu'un dessinateur derrière son personnage ? Mais
comment passer sous silence ce qui transparaît au travers de ces six
albums : fascination pour la technique (mais aussi horreur des perversions de la science),
grande sensibilité pour l'humain et imagination originale pour
les thèmes de science-fiction.
- Quand on voit l'évolution du
per-sonnage de Pol, on s'aperçoit qu'il était plus caricatural qu'il ne
l'est maintenant.
R.L. : « On s'est demandé :
« Pourquoi change-t-il de style ? » Dans « Le Trio de l'Etrange», Pol
avait une grosse tète, par exemple, Au fil des planches, j'ai compris que
le comique n'était pas mon style. Je préférais le néo-réalisme. Yoko a
déclenché le mouvement. Je ne fais pas du réalisme pur : à ce moment-là,
je préfère le feuilleton TV. La bande dessinée a sa spécificité et ne
peut ressembler à un film. C'est mon opinion, en tout cas. Une chose me satisfait : tout le monde me dit
que je ne fais pas « du Hergé ». Heureusement : à quoi bon recom-mencer ce
que lui a si bien réussi ? »
- Disons que les
personnages se sont mis au
diapason des décors, réalistes, ceux-là ?
R.L. : « Je vais vous dire
: au début, seul devant ma table de dessin, je n'en menais pas large.
J'ouvrais certains albums pour voir comment les auteurs dessinaient une
main, par exemple. Mon style a gagné en clarté lorsque j'ai cessé ce petit
jeu et que j'ai tout inventé par
moi-même, en me regardant dans un miroir. Ce qui n'est pas une
solution de facilité... »
- Dans vos
albums, on constate une alternance entre des scénarios de
science-fiction et des aventures se pas-sant sur Terre.
C'est voulu ?
R.L. : « Oui. Il faut
parler des Vinéens (4). Là, j'ai été pris à mon propre piège. J'ai cru
écrire une histoire, sans penser la développer par la suite. Le
public en a redemandé. Et le comble, c'est que je les aime bien,
mes
(4) Les Vinéens sont des
humanoïdes venus de la planète Vinéa. A la suite de circonstances. dont le
détail est relaté dans les albums « Yoko ». ils ont abouti sur Terre - et
plus exactement sous Terre —. où ils mènent une existence à l'écart des
humains.
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