Yoko à la frontière de la vie

Article posté par ΨYoko.
Paru le mardi 3 mai 2005 à 03:35
Vu 1332 fois.

Yoko à la frontière de la vie



tmp30A.htm

ROGER LELOUP
Suite de la page 8
Planche 4.
C'était un temps de Grande Folie. Le monde était livré aux vautours de la mort, ceux qui marchent au pas et portent les armes, et ceux qui se cachent derrière, sans arme, amoureux seulement d'eux-mêmes, loin du fracas des batailles et se repaissant de la mort des autres. C'était un temps déraisonnable. Une nuit terrible semblait envelopper le monde ; les passions se déchaînaient au prix de la vie. Personne n'y échappait. Pas même les enfants. Vers la fin, alors que les rescapés se prenaient à espérer, alors qu'on entrevoyait le retour des justes au-delà du feu et de l'acier, vers la fin donc, les enfants se remirent à jouer dans les rues. Rothenburg avait su se faire oublier et les enfants jouaient dans les rues. Il a suffi d'un passage d'oiseaux sombres pour semer la désespérance. Une enfant mourut — parmi tant d'autres. Et celle-là s'appelait Annemarie.
R.L. : « J'ai découvert Rothenburg au moment où j'écrivais " L'Orgue du Diable ". J'avais réuni une documentation, et cette ville m'a tout de suite plu. Puis j'ai décidé d'y aller. A tout prix. Une révélation : encore plus beau que je ne le croyais. La ville où je voudrais finir mes jours. J'avais un projet de scénario, que je comptais placer à Rothenburg.
» Le dernier jour, je suis entré dans une librairie et j'y ai trouvé un vieux livre imprimé et rédigé en 1949 par un ancien bourgmes-tre, racontant l'histoire de Rothenburg dans la tempête de la guerre. Le 31 mars 1944, la veille de Pâques, sont venus dix-sept avions alliés. Ils ont cerclé au-dessus de la ville et ils
ont fait un carton. Le tiers de la ville a flambé sous l'effet des bombes au phosphore. C'était ce qu'on appelle une action de guerre psychologique.
» Dans la liste des victimes, reprise dans le livre, il y avait le nom d'une petite fille de cinq ans et demi ; Annemarie. Cela m'a fait mal. J'avais ma petite fille à côté de moi (5!. Et je me suis demandé ; " Pourquoi fallait-il que je trouve le nom d'une petite fille, brûlée, tuée. Cette malheureuse affaire m'a fait réfléchir. »
- Et Annemarie est devenue Magda ?
R.L. : « J'avais dans mes cartons l'histoire d'un petit Esquimau, conservé en hibernation dans les glaces. Cette histoire ne me plaisait guère, parce qu'elle contenait des invraisemblances. Peu de temps après, les deux idées se sont mêlées et j'ai voulu faire revivre la petite fille de Rothenburg. »
- Ce qui ne vous a pas empêché de démarrer l'aventure sur une histoire de vampires ?
R.L. : « C'était un défi : partir du fantas-tique pour arriver au plausible. »
- La « conservation » de Magda est donc plausible ?
R.L. : « Oui. Parallèlement à l'élaboration du scénario, les journaux regorgeaient d'in-formations sur une jeune fille américaine, gardée en vie artificiellement, bien qu'elle vécût dans le coma depuis de nombreux mois. Intérieurement, j'avais pris position. Car je suis pour la machine ; celle qui garde la vie. Même s'il ne subsiste qu'un faible espoir. Il faut bien dire que la frontière de la vie, on la recule chaque jour. Bien sûr, on n'a pas le droit de laisser souffrir les gens. On n'a pas le droit de disposer de la vie, même de son propre enfant. C'est un sujet extrê-mement délicat. Mon raisonnement est le suivant : nous sommes contre les machines. Jusqu'au jour où c'est notre propre enfant
La Frontière de la Vie
Le nouvel album « La Frontière de la Vie » et la planche 1 en format original...
qui a besoin d'une machine. Et à ce moment-là, nous reprochons au médecin de ne pas l'avoir inventée.
» Ce que j'ai voulu dire dans " La Frontière de la Vie ", c'est que nous courons après des chimères. Et le plus important, nous l'avons en nous : la vie,
» Pour répondre plus précisément à votre question : oui, c'est plausible. Je me suis documenté et j'ai découvert le domaine fascinant de l'électronique médicale. Je crois qu'on ne subventionnera jamais assez la recherche médicale. Pour autant qu'elle ne se dirige pas contre le bonheur de l'homme. »
-   Lors de la parution de l'histoire dans « Spirou », avez-vous eu des réac-tions ?
R.L. : « Oui, j'ai reçu des lettres. Je prenais position sur le plan moral. Dans " La Frontière de la Vie ", il est question de l'emploi du sang artificiel. Des petits leucé-miques m'ont écrit. Pour eux, l'emploi du sang artificiel est le salut. Or on a constaté que les rats peuvent vivre avec du sang artificiel, à raison de 60% de leur capacité. Il reste à espérer que les techniques vont évoluer et que les hommes pourront bientôt profiter de ces découvertes. »
-   Vous cerclez la réalité de très près, dans cet album ?
R.L. : « Je crois pouvoir dire que le souci du détail a été poussé jusqu'au moindre bouton de sonnette ! Un Canadien est venu passer ses vacances à Rothenburg, unique-ment après la lecture de cette aventure de Yoko. »
-   Finalement, Yoko existe-t-elle ? R.L. : « Elle vit ! Si je n'y croyais pas, je ne
raconterais pas ses aventures. Un jour, je l'ai vue : à Grindenwald, en Suisse. Il y avait une jeune Japonaise, qui ressemblait à Yoko de façon frappante.
» D'autre part, c'est un peu ma fille spirituelle. C'est aussi l'amie que j'aurais voulu rencontrer, la grande sœur que je n'ai jamais eue. Dans ma famille, c'est un personnage de plus. Il faut bien l'avouer : c'est elle qui me fait vivre. Yoko me prête vie, et moi, je prête vie à Yoko. C'est merveilleux, non ?»    o
(5) Roger Leloup est marié et père de trois enfants.
Découpage et dialogues :
A. DE KUYSSCHE.
photos : P. Coerten.
tmp30A-2.jpg tmp30A-2.jpg
Le décor naturel de Rothenburg est reproduit jusque dans les moindres détails.
[ Imprimer cet article ]


Précédent

Aller à la page - 1 - 2 - 3 - 4 - 5 -


>>Masquer les commentaires [4]

Commentaire n°4/4 :: Trop top cet article!

Remonter Posté le 31/05/2005 par Ek

 
Grand merci pour ce petit chef d'oeuvre qui nous replonge dans des temps si reculés (les années 70!!!), où il faisait si bon vivre une enfance aux côtés de Yoko. En plus je crois que cet album est mon préféré de tous, tant l'ambiance y est romantique à souhait. Bravo M. Leloup et bravo à celles et ceux qui ont retrouvé ce document très intéressant.
Enfin, je conseille à celles et ceux qui ne connaissent pas encore Grindelwald (CH), d'aller rapidement y fair un petit tour, c'est magique et le décor y est digne de notre jolie japonaise!
Ek.
 
avatar

Grandir avec Yoko...

Commentaire n°3/4 :: Merci!

Remonter Posté le 06/05/2005 par ΩCyann

 
Ouais, très chouette article! J'ai appris des trucs dont je n'avais absolument pas connaissance sur Roger Leloup! Et je comprends aussi maintenant pourquoi il y a ce "décalage" entre ses personnages et ses décors....
C'est vraiment un grand auteur. smiley sg23gsourireg23.gif
 
avatar

Cyann, papillon doré aux ailes nacrées.

Commentaire n°2/4 :: Félicitation à Stéphan pour avoir découvert cet article très intéressant !

Remonter Posté le 04/05/2005 par Megatop

 
[taille=12][/taille]

Je te félicite Stéphan pour avoir déniché cet article à propos de Roger LELOUP et de la Frontière de la vie. Merci aussi à Yoko de l'avoir mis sur le site.
Cet article est très intéressant et permet de mieux comprendre le parcours artistique et philosophique du grand Roger. Il donne des clefs pour mieux lire cet album de Yoko qui est assez complexe et demande a être relu plusieurs fois pour en découvrir toutes subtilités. La mise en page facilite aussi la lecture de l'article.
Il serait intéressant si les yokophiles vous trouviez d'autres articles de la même qualité que celui-ci à propos des albums de notre amie ou de son père. Peut-être qu'une nouvelle rubrique pourrait être créer dans le site, qui pourrait s'intituller "Yoko dans la presse", pourrait les rassembler tout.
Bravo et merci de contribuer à nous informer les uns les autres.
Bien amicalement Mégatop qui profite des RTT pour vous lire et vous écrire.
smiley sg23gyayayag23g.gif
 
avatar

Commentaire n°1/4 :: Bravo, un article de plus

Remonter Posté le 03/05/2005 par Le Grand migrateur

 
Chouette, un nouvel article.
 
avatar


Panneau haut
Membre de :
"Ceux qui y sont arrivés 2 fois"
Pancarte