+Hallberg
 Message pour l'Éternité


Nombre de posts: 10765 Inscrit(e) le: 16 novembre 2003 |
mardi 16 janvier 2007 à 15:36 On est bien d'accord que tout ceci reste du domaine du rêve cinématographique. Je le reprécise parce qu'on a tout le temps des nouveaux qui nous demandent "pourquoi qu'on fait pas un film" et les réponses sont tout le temps les mêmes. Là je trouve que parler de chimères est intéressant parce que ça permet de projeter sa lecture de Yoko et donc, c'est un acte critique. Mais que les nouveaux n'aillent pas s'imaginer qu'on "propose" de faire des films, c'est juste une discussion théorique...
Sur le plan de la faisabilité réelle, Roger Leloup a exprimé clairement son point de vue que je juge réaliste, et même partiellement sous-évalué. Le budget des "Star-Wars" les plus réussis est inférieur à celui des derniers opus - or si "La revanche des Sith" est un film agréable, la médiocrité des deux autres n'est plus à démontrer. Il en ressort, rien que sur le plan du temps passé à peaufiner des films comme "L'empire contre-attaque" pensés et exécutés plan par plan par des maîtres-artisans et non par des tâcherons, les coûts seraient actuellement supérieurs à ce qu'ils sont quand on s'appuie trop sur le matériel moderne. Il y a actuellement des gens qui travaillent merveilleusement avec les techniques actuelles. Il y en a d'autres qui se reposent sur l'informatique, oubliant qu'elle ne va pas avoir de l'imagination et du goût à leur place; ils économisent (même marginalement) des neurones, du temps et donc de l'argent. Un film comme "L'attaque des clones" en est le triste reflet. Or je ne vous apprendrai rien en disant que le secteur de la production est actuellement des plus frileux, et que les projets chers ne naissent que s'ils ont de fortes chances d'être rentables. L'accès au long métrage, pour un artiste, s'est clairement réduit. Il se trouve que des films perçus par le public comme clairement expérimentaux et audacieux, même "bon marché" et visant une audience réduite, sont des projets qui ont passé préallablement un nombre incroyable de filtres. Aussi rêver n'est-il plus aussi évident de se rêver cinéaste, quand on se tient un minimum au courant du climat ambiant. Il n'est pas évident, aujourd'hui, de se dire un jour que l'on pourrait être le nouveau Feuillade, le nouveau Welles, Hitchcock, Méliès, Eisentein et autres Spielberg - ni même le prochain Burton ou le prochain Almodovar. J'ignore si c'est une illusion, mais tout contribue à donner l'impression que la pression économique sur le domaine du long-métrage est encore plus étouffante pour la sincérité artistique qu'elle ne l'était en des temps où on se permettait des "Cuirassé Potemkine", des "Blanche-Neige" et des "Guerre des étoiles" cuvée 1977 contre l'avis de tout le monde.
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Pour reprendre plus exactement les propos précédents.
Tai, pour ce qui est de rendre les gens méchants, ne soyons pas paranoïaques. Il est clair que nous sommes sans pitié avec ce qui est imbécile. Les personnes réfléchies n'ont pas de "méchanceté" à craindre et j'aimerais qu'on ne confonde pas "sévérité" et "méchanceté", ça n'a rien à voir et c'est un terrible amalgame.
Sur le cas "Team-Galaxy", rien n'est arrivé par inadvertance, au contraire, tout est savamment calculé. Ce qui s'est passé est réellement caractéristique des déserts intellectuels que l'on rencontre au pays de la production télévisuelle, notamment en matière d'animation. L'animation télévisuelle, notamment pour la production française, est un secteur extrèmement porteur et extrèmement concurrentiel. Il donne naissance à des produits particulièrement "ciblés" (actuellement, cette animation télé se concentre uniquement sur le public enfantin, et elle est très, très calibrée... Quand on tombe sur "Team-Galaxy", la première pensée qui vient est un degré d'abrutissement particulièrement marqué, à tel point qu'on se demande comment une personne censée être un artiste a pu penser une pareille aberration. En réalité, c'est plus que savamment calculé, dans un état d'esprit consistant à flatter la bêtise du public plutôt qu'à tenter de l'élever au dessus de ça. Le cas "Team-Galaxy" nous semble réellement plus grave que les autres (parce que comme adaptation, la première chose qui vient à l'esprit est que celui qui a réalisé le "pilote" n'a jamais ouvert le bouquin, ce qui a toutes les chances d'être vrai); il est en fait absolument "normal" dans l'état d'esprit d'une maison comme Marathon-animation qui choisit de viser bas en toutes circonstances puisque la facilité rapporte. En tant qu'amateur de cinéma d'animation prêtant peu d'attention aux produits télévisuels commerciaux, je m'étonnais jusqu'à ce que des gens à qui j'ai posé la question dans le secteur professionnel m'expliquent que tout ceci était certes désastreux, mais considéré comme normal dans le contexte actuel.
Ceci pour vous dire que "Team-Galaxy" est un produit savamment étudié pour contribuer à l'abrutissement des gens, et en tirer profit parce que les abrutis sont prêts à payer pour un peu plus d'abrutissement.
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Raphys, je pense qu'il faut être nuancé avec le "cas" Besson. Ce dernier trimballe depuis des années l'idée qu'il s'arrêtera après son dixième film, et si j'ai bien compris "Arthur" serait l'avant-dernier. Besson n'est certes pas celui qui, en Europe et même dans le monde, aurait le plus à se plaindre du fait que faire des films est risqué, alors qu'il a toujours assumé clairement le fait d'être un auteur de cinéma très grand public. Je ne nie pas qu'il ait suivi des orientations esthétiques audacieuses et risquées (notamment ce qui est assez célèbre chez lui, le fait d'avoir des scénarios qui ne tiennent pratiquement à rien et de développer des ambiances par une certaine audace formelle), mais s'il doit être mis en avant en tant qu'artiste souffrant de la frilosité actuelle et voyant ses rêves bridés par des problèmes matériels, alors c'est l'hopital qui se fout de la charité... Si l'on devait arrêter principalement pour ces raisons-là, alors lui aurait toutes les chances de continuer, et il y aurait des dizaines de cinéastes qui auraient dû jeter l'éponge immédiatement... Je pense que ce côté "j'arrête parce que c'est trop dur", dans le cas Besson, est largement une affaire de discours. Je pense qu'on peut faire abstraction de ça, tout en ayant du respect pour un projet artistique et un projet de vie: c'est un mythe récurrent que de vouloir maitriser absolument sa vie artistique, de pouvoir choisir de s'arrêter, de pouvoir avoir une maîtrise absolue de ce que sera "son oeuvre", de façon définitive, de clore, d'avoir la possibilité, ou l'envie, de se retirer, mais souvent après avoir terminé ce qu'on voulait faire. Après tout, on connait le syndrome chez les compositeurs, qui se mettent en tête qu'il faut accomplir neuf symphonies comme Bethoven pour laisser un testament artistique. Le chiffre rond chez Besson n'est pas pris au hasard. La gérémiade sur le fait que le cinéma est cher et risqué, à mon avis, c'est pour faire passer la pillule à un public pas forcément très respectueux du statut d'auteur et des questions de légitimité esthétique, et pour qui le vedettariat consiste à en demander toujours plus. Je ne tiens pas Besson pour un "grand maître" ni pour un futur immortel de l'histoire de l'art, je pense qu'il y a en Europe des artistes d'une carrure largement supérieure (Nick Park, Almodovar, Jeunet, Kusturica, Loach, Daldry...), mais je respecte son choix de carrière de la même façon que j'aime certains de ses films. Je pense qu'il n'a pas besoin de se trouver des excuses, d'autant plus que lui a matériellement les moyens d'avoir le choix. J'imagine qu'il aurait sans doute pu faire encore des films intéressants, aussi je crois que nous spectateurs pouvons éventuellement nous plaindre, mais qu'il est un peu abusif de le plaindre, lui...
Pour Gans, hem hem... Vu ce qu'il nous a montré avec son "pacte des loups", je me garderai de faire des pronostics idiots, mais si un tel personnage doit partir outre-Atlantique, ne serait-ce pas pour devenir une sorte d'équivalent francophone de Pertersen ou Emmerich? D'accord, on prend le risque qu'il revienne nous innonder, mais quelque-part bon débarras...
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Enfin je rebondis sur un propos: "si j'était réalisateur il y aurait une adaptation cinématographique sur Yoko Tsuno ceci aurait une meilleure chance d'être vu et reconnu."
Je crois que pour pouvoir dire ça, il faudrait rajouter: "si j'étais un réalisateur-star", un qui peut se permettre de se saisir d'un projet qui l'intéresse et n'a pas trop besoin d'avoir des commandes, ou d'obéïr à des gens qui l'obligeraient à aménager ses idées pour qu'elles soient plus vendeuses. Ces gens-là ne sont pas trop nombreux sur la planète. Ce qui renforce encore énormément la dimension de rêve de l'affaire...
Pour ce qui est du problème de "faire connaître", c'est exactement la même chose: révéler aux spectateurs le projet qu'on porte dans son coeur est actuellement, en matière de long-métrage, l'appanage des gens en qui les financiers ont eu l'occasion d'avoir une confiance sans bornes. Eux seuls vont être en mesure, dans le contexte actuel, de proposer librement. Pour tous les autres, il y a un tri très net et une sélection drastique des projets en fonction de leur caractère "économiquement porteur".
J'avoue ne pas du tout comprendre quel est le propos de ce que tu dis sur le doublage, qui est probablement une des questions les plus secondaires d'un point de vue artistique. D'une part l'intérêt porté à la question me semble superflu: d'une part pourquoi s'intéresser particulièrement au doublage francophone alors qu'on peut tourner en français et que dans n'importe-quel cas le sous-titrage respecte mieux l'intégrité esthétique d'une oeuvre que son doublage, d'autre-part pourquoi est-ce que c'est sur ce point que l'on demanderait à un auteur de s'investir alors qu'il y a des tas de choses plus intéressantes. Enfin j'avoue que si je rêvais d'une chose, ce serait d'être un créateur libre de contraintes, et j'imaginerais assez peu soumettre certaines de mes décisions, même parfaitement futiles, à une sorte de plébiscite.

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+Hallberg
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mercredi 17 janvier 2007 à 01:30 D'abord, faudrait vivre un peu avec son temps et penser un peu au delà des frontières de son petit état. Débloquer des gros budgets sur des projets artistiques, c'est envisageable à l'échelon européen. Penser français, ça a un peu fait son temps. Ensuite, Gans me semblait etre le plus mauvais exemple possible parce que son cinéma regarde clairement vers une mondialisation stylistique emprunte de jeunisme qui fait que c'est probablement le genre de cinéaste qui subit le moins les inconvénients d'un "déracinement", raison pour laquelle il me semble assez peu dommageable à l'Europe qu'il aille faire en Amérique du Nord ce qu'il veut faire, si c'est pour continuer dans la même voie.
Je trouve tout à fait normal de regretter l'incapacité européenne à se concentrer réellement sur des films chers, comme dans le cas vraiment rageant du Don Quichotte de Giliam, qui est probablement le cas le plus significatif de la période récente. Prendre Gans comme exemple, excuse-moi si je suis un peu direct, mais ça revient à se plaindre que l'Europe ne se préoccupe pas assez de produire des blockbusters bien bourrins pour la clientèle des grosses machines hollywoodiennes. Pour moi, la mission de l'Europe, c'est de garder son âme, et à ce stade, garder son âme, c'est, quand on veut faire des films chers, qu'on le fasse parce qu'on a un engagement esthétique intéressant à proposer. Alors Gans, pour moi, bon débarras... Nous on a encore Ken Loach, Lars von Trier, Jean-Pierre Jeunet ou Pedro Almodovar, qui quand ils vont prendre des sous en Amérique, ont la décence de faire des films intéressants et pas dans "l'esprit blockbuster" stricto-sensu... 
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frac
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mercredi 19 décembre 2007 à 12:44 Tout comme Cherrydean, j'avoue être assez partagé sur Yoko à la télé ou en film, que ce soit du vrai ou de l'animation. Quand je me souviens des dessins animés de tintin à la télé, qui était très bien faits, (et le dessin et le respect du scénario) mais malgré tout, ça n'apportait rien, rien d'autre que de voir évoluer, de voir bouger ses héros et d'entendre la voix qu'on a bien voulu leur donner (et qui était aussi bien adaptée). Pour les enfants, c'est super et j'aimais ça, maintenant, je ne m'attarderai pas à les retourner regarder alors que je relis les albums. Pour ce qui est des films de tintin, je n'ai jamais aimé ça. Ce n'est plus du tintin. J'ai peur de la même chose pour Yoko : la voir en film, c'est peut-être bien, mais ce ne sera plus Yoko. Yoko c'est un personnage, un dessin, un scénario. J'ai peur qu'on ne se serve que du nom pour attirer les amateurs mais qu'on ne retrouve pas nos petits au final (même en gardant les valeurs de Yoko). Les films d'Astérix, malgré tous les effets spéciaux, les grands acteurs, c'est peut-être bien marrant et réussi, mais ce n'est pas la même chose qu'un album. Mais bon, je suis peut-être défaitiste.
frac Si tu te frappes la tête contre une cruche et que ça sonne creux, n'en déduis pas forcément que c'est la cruche qui est vide... |
Gobol
 Lumière d'Ixo


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vendredi 21 décembre 2007 à 19:04 Ce qui me gêne toujours dans l'adaptation, que ce soit en dessin animé ou en film, c'est que tout est imposé (images, voix...). Yoko, c'est une part de mon enfance, ce sont mes rêves, elle m'a vue grandir, évoluer, faire des erreurs, devenir une femme, réaliser mes rêves (au moins certains d'entre eux). Voir Yoko en DA ou en film, ce serait comme si on volait mes rêves, dans la mesure où quelqu'un d'autre que moi les mettrait en scène. Vous savez comme moi que même quand il s'agit de bd (et bien plus encore quand il s'agit de roman), chacun a sa propre lecture de l'oeuvre. La voir adaptée en film ou animation, ça revient à voir la vision personnelle d'une oeuvre de la part d'un autre lecteur que moi. Et ça, en particulier pour Yoko, je n'en ai pas réellement envie. En ce qui me concerne, si Yoko reste dans ses albums, c'est tout bon. Après, de toute façon, il y a la question des droits d'auteurs, et ça, c'est Roger qui tient les "rênes". Si un tel projet voyait le jour, et même s'il était fidèle, je ne sais pas si je me risquerait à aller voir... Sauf s'il s'agissait d'un autre scénario, dans le même esprit et avec les mêmes "ingrédients" que les bds, sans être la bd elle-même (parce que franchement, voir la bd "bouger", sans autre apport, je ne vois pas bien l'intérêt : pour moi, les personnages sont assez vivants en eux-mêmes, je n'ai aucun mal à les voir "évoluer" dans leurs pages. Donc, si c'est juste mettre une bande dessinée en animation, je ne vois pas l'intérêt. Pour que ce projet soit intéressant en ce qui me concerne, il lui faut un "plus" par rapport à la bd originale, mais là, on tomberait forcément dans l'interprétation d'un autre, et je ne sais pas si j'y suis prête... (je ne sais pas non plus si je suis bien claire là, mais faut pas m'en vouloir, c'est la fin de l'année, et je suis épuisée).
Bref, vous l'aurez compris, pour moi, une adaptation, oui, à condition qu'elle me fasse rêver, et non pas qu'elle me "prenne" mes rêves d'enfant. Du neuf, quoi ! On ne trébuche jamais deux fois sur la même pierre. |
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