+Hallberg
 Message pour l'Éternité


Nombre de posts: 10765 Inscrit(e) le: 16 novembre 2003 |
mercredi 16 mai 2007 à 22:49 On ne sait jamais comment il faut prendre les choses. Il est assez normal que beaucoup de gens aient envie de découvrir Venise, mais après, personnellement, c'est comme le Mont Saint Michel: le "tout touristique", la cohue et tout le reste, me laisse un arrière goût très amer, surtout quand on sait que la sur-fréquentation de Venise, le rythme de vie effréné que l'on exige de ce vieux centre-ville pas fait pour ça, sont pour beaucoup dans le fait qu'elle est aujourd'hui en grand danger. On m'expliquait l'été dernier à Versailles que les touristes exigeaient qu'il y ait un certain nombre de fontaines qui fonctionnent à tout instant, et que celà produisait une usure prématurée de l'ensemble du système, conçu pour que l'on fasse fonctionner quelques fontaines pendant un temps assez court, les fontainiers les mettant en marche et les arrêtant sur le parcours du Roi, et non pour amuser les visiteurs à longueur de journée.
Bruges est infiniment moins soumise à ce genre de contrainte dommageable pour le patrimoine et pour moi, elle fait partie de ces bonnes adresses où l'on est plus tranquille pour visiter.
Je sais bien que ce n'est pas la raison fondamentale du changement, mais il se trouve que j'imagine beaucoup moins Yoko pouvoir se promener tranquillement, mais aussi pouvoir échanger aussi facilement avec les habitants dans ce qu'est devenue Venise aujourd'hui.
Vous me direz que je suis monomaniaque, mais je pense à un opéra, "La ville morte" (de Korngold). Cette ville morte, que le héros ressent comme fossilisée, c'est Bruges. Nombre d'auteurs ont ressenti dans Venise quelque-chose de confusément morbide, dans cette façon de la ville de jongler avec le lumineux et le brumeux, le gai et le languissant, de dissimuler les turpitudes de l'histoire derrière le luxe des façades. J'ai l'impression qu'il n'y avait pas meilleur endroit que l'une de ces villes pour que Yoko aille affronter rien moins que la peste et le Diable... Après, j'avoue que de l'une à l'autre, j'ignore laquelle j'aurais choisi. Et puis à la limite, il y a quelque-chose de cette ambiguïté dans Lisbonne ou dans Vienne... 
Opération Sisyphe Avec la participation des ascenseurs Schindler |
Lucterios
 Spirale du Temps


Nombre de posts: 6827 Inscrit(e) le: 28 octobre 2003 |
mercredi 16 mai 2007 à 23:14 Venise n'est aujourd'hui plus qu'un Disneyland culturel du XV e siècle, vidé de tous ses habitants ou presque. J'ai pu mesurer le changement en une vingtaine d'années. Tous les jeunes sont partis pour Mestre ou ailleurs... La ville m'a longtemps obsédé et m'obsèdera toujours, pour des raisons que j'ai longuement détaillées dans la Huitième Porte. Notamment, ce changement est encore pour moi fascinant, car il ne révèle que plus fortement le passage du temps et une jeunesse à jamais envolée... Mais, finalement, je me suis mis à préférer Florence, pourtant moins jolie, mais encore vivante, vouée à la philosophie et aux arts, et non à la seule frivolité. Fortuna audaces juvat !
|
+Hallberg
 Message pour l'Éternité


Nombre de posts: 10765 Inscrit(e) le: 16 novembre 2003 |
mercredi 13 juin 2007 à 16:35 Pour ce qui concerne Bruges, à ma connaissance c'est une ville touristique liée à un tourisme intelligent. À Venise, il y a effectivement trop de neuneus qui n'y vont plus pour se faire surprendre, mais au contraire pour se vautrer dans leurs propres préjugés et se faire vendre le pittoresque à la graisse de hérisson qu'ils se représentent. De ce fait, c'est assez dûr pour les vrais amoureux de Venise. À un niveau de fréquentation touristique infiniment moindre, j'ai personnellement ressenti la même chose à Berlin où la nouvelle vague des visiteurs (surtout depuis l'institution des techno-parades et autres bidules), se contente de se faire rabacher des stéréotypes. D'ailleurs une partie de ces touristes se fout éperdument de l'histoire de cette ville. Du coup une partie des aménagements sont faits dans ce sens, le pittoresque facile l'emportant sur l'authentique. Ceux qui ont encore l'esprit d'une Athènes du nord, et qui pour la plupart venaient bien avant qu'il y ait tous ces trucs branchouilles, ne peuvent qu'être agacés.
Bruges est ressentie comme une ville fossilisée depuis qu'elle a perdu, pour cause d'ensablement de son accès à la mer, son activité portuaire. D'un autre côté, on ne peut pas nier l'intérêt de son bon état de conservation historique, même si nombre de canaux ont été recouverts, et c'est aujourd'hui le lieu d'un tourisme plus calme et moins futile que celui de Venise.
Je crois que le "vécu" de l'auteur est indispensable, et que c'est probablement ce qui fait que l'image d'une ville s'écarte, même d'une façon inquantifiable, du folklore pour revenir à l'âme des lieux. Depuis que Venise est un Disneyland, un Hugo Pratt (pour rester dans la BD) avait conservé la capacité d'en parler sans tomber dans le folklore, ou sans que le folklore sente le "touristiquement correct". La proximité entretenue par Roger avec Bruges fait à mon sens qu'au delà de l'aspect de la précision documentaire de la reconstitution, il y a un échange un peu magique avec lui, la ville et le lecteur. Quand on ressent un attachement particulier à un lieu, j'ai l'impression que l'évoquer dans une oeuvre d'art peut devenir un besoin impérieux, mais aussi un acte des plus naturels. 
Opération Sisyphe Avec la participation des ascenseurs Schindler |
Lucterios
 Spirale du Temps


Nombre de posts: 6827 Inscrit(e) le: 28 octobre 2003 |
mercredi 13 juin 2007 à 17:01 En ce qui concerne Venise et Pratt, je pourrais en parler pendant des heures, tellement le sujet me passionne. Il existe un guide, que personnellement j'ai transformé dans mon premier bouquin en recueil magique qui me permet d'ouvrir une à une les portes magiques de la ville, gardées chacune par un génie de la Kabbale. Les "pendulari" n'ont qu'une pauvre vision de la ville. Ils débarquent en bus, piazza di Roma, le matin, descendent en vaporetto jusqu'à la place saint Marc, prennent quelques photos avec des pigeons et repartent crevés le soir en se disant, finalement, que c'est pas terrible... En suivant le guide édité par les élèves de Pratt, on découvre la Venise qu'a connue un grand artiste et un véritable Vénitien.
Edité Mercredi 13 juin 2007 :17:01 par Lucterios Fortuna audaces juvat !
|
Oresias
 Orgue du Diable


Nombre de posts: 1762 Inscrit(e) le: 29 janvier 2004 |
lundi 6 août 2007 à 12:01 Venise est devenue très cliché et touristique, c'est vrai, mais on pourrait en dire de même de Bruges, qui est aussi très très touristique. Les deux cités ont leur charme, leur Histoire, et sont romantiques à souhait.
Personnellement, je ne suis jamais allé à Venise, mais cette cité m'intéresse avant tout pour son histoire verrière. Venise (plus particulièrement Murano) a été le berceau de l'industrie verrière en Europe, ce matériau très prisé et précieux au moyen âge, dont seuls les Vénitiens maîtrisaient parfaitement sa fabrication. Secret de fabrication jalousement gardé. Meurtres, espionnages, il y a là de quoi faire un bon scénario, si ce n'est pour une aventure de Yoko, au moins pour un bon roman historique.  |
|