+Hallberg
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vendredi 10 juillet 2009 à 13:03 Bon. Chacun voit midi à sa porte, et s'il est généralement admis que Yoko est l'héritière des humanistes, elle presque plus pour moi celle des romantiques.
J'ai été très impressionné à la lecture de la préface du tome 8, de découvrir la genèse de Loch-Castle dont je croyais l'origine plus simple : repris d'un château existant. En fait, sa "recomposition" me semble tellement plus cohérente, et pas seulement parce que ça n'aurait certes pas plu aux occupants actuels que l'on mette des gens sans scrupules dans leur maison. L'imaginaire romantique est aussi celui d'une idéalisation, d'une géographie rêvée où le voyageur recherche, dans le paysage, la traduction de son paysage intérieur. Le travail de Roger sur la maquette me fait penser à celui d'Eugène Viollet-le-Duc qui, si je ne m'abuse, utilisa également des maquettes pour Pierrefonds.
Pendant des décennies, il était de bon ton de considérer Viollet-le-Duc avec condescendance comme quelqu'un qui s'était trompé sur toute la ligne. La même condescendance s'appliquait par exemple à Ebhardt, architecte du Haut-Koenigsbourg, ou à son principal décorateur Léo Schnug. On a désormais (re)pris conscience que ces artistes ne peuvent se comparer au souci de réhabilitation archéologique, historiquement informée, qui a cours de nos jours. Pour Viollet-le-Duc, restaurer n'était pas reconstituer, mais créer un état idéal et théorique qui n'avait pas besoin d'avoir existé dans la réalité. Si nous basculons maintenant résolument dans le monde de l'aventure et de l'imaginaire, non seulement un château en Ecosse n'a pas besoin d'être tel qu'il existe réellement, mais j'irai jusqu'à dire qu'il nous raconte une bien plus belle histoire, s'il est sorti de l'imagination de l'auteur, compilant des éléments qui, tout en lui donnant sa parfaite vraisemblance, lui confèrent tout ce qu'il faut pour représenter le château écossais dans la mémoire collective.
Il en est de même pour l'île du Songe dont il nous importe peu qu'elle ait existé ou non, puisqu'elle offre ici prise à l'imaginaire et à l'idéalisation romantique du Japon : côtes découpées aux reliefs mystérieux et délicats, temple bouddhiste à la pénombre bienveillante, technologie de pointe, mystérieux guerriers vêtus de noir et maisons de bois. D'aucuns me diraient que ces univers appartiennent à l'enfance. Il me semble à moi qu'ils appartiennent à tous les moments de la vie, si cette vie s'écrit sur le mode de l'imaginaire.
C'est là le paradoxe des géographies imaginaires. Pour faire effet, le château et l'île n'ont pas besoin d'exister réellement ; en revanche il est indispensable que tout y soit vraisemblable, et donc, que les critères les plus réalistes soient appliqués aux détails architecturaux. Quant aux lieux qui existent sans aucun doute possible - la cathédrale de Cologne et les salons roulants du Rheingold se devaient d'être dépeints dans toute leur réalité, puisqu'ils sont des lieux réels porteurs d'imaginaire, avant que l'aventure puisse en prendre possession. Mais ces lieux auraient été moins connus, qu'une réinvention d'un monument gothique d'une grande ville, ou d'un train de luxe des années 1930, aurait probablement aussi bien fonctionné. L'imaginaire romantique créée donc, non pas le monde tel qu'il est, mais une représentation du monde tel qu'il n'a peut-être pas existé réellement - une représentation qui émeut. Et me voilà revenu à la maison chez mon ami Eugène.
On ne pourra donc pas forcément voyager dans tous les lieux visités par Yoko* puisque tous n'existent pas : la magie tient à la vraisemblance et à la cohérence d'un monde où voir et rêver sont deux façons simultanées de voir les choses, et qui nous laisse encore le choix de ne voyager qu'en imagination.
Si je vais en Écosse (c'est probable cet été si j'arrive à avoir de vraies vacances), j'aurai l'impression d'être sur les traces de Yoko sans être au même endroit, ces vacances seront donc autant les miennes que les siennes...
Merci pour cette terre multiple qui nous aide à aimer la seule que nous avons !
____________ * Je tanne mes amis pour qu'on aille sur Vinéa mais ils ne veulent pas, ça prend trop de temps. ![image](http://site.voila.fr/chez-titminou/images/chats/217.gif)
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Eli
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samedi 25 juillet 2009 à 10:52 C’est vraiment dommage de laisser tomber un tel sujet… j’ai pendant longtemps dessiné des cartes et plans de contrées imaginaires, et une des choses qui m’a fascinée dans Tolkien était justement la création de contrées imaginaires dans les plus petits détails (les différents peuples, leur langue, leurs coutumes, leur habillement, leur histoire…). Je crois que le livre auquel il a été fait allusion est « Le Dictionnaire des lieux imaginaires » qui est en effet un livre excellent. Cependant un peu plus de développement ne ferait pas de mal plutôt que de seulement citer le nom…
Hall parlait de lieux « poétiques », c’est-à-dire de lieux existants, mais quelque peu modifiés ou d’une sorte de mélange de lieux existants. Ce sont donc des lieux réalistes à défaut d’être entièrement réels.
En fait si j’essaie de faire la distinction entre lieux poétiques et lieux imaginaires je dirais que les lieux poétiques sont entièrement réalistes (pourraient réellement exister), par exemple ils respectent les lois de la physique qui régissent notre monde. Alors que les lieux imaginaires (ainsi qu’entre autre les créatures imaginaires qui les peuplent) sont inspirés d’éléments du réel, mais la mise ensemble est invraisemblable (même si un bon auteur arrive à nous les rendre vraisemblable, une fois qu’on a accepté une part de merveilleux) – je me rappelle du passage d’un auteur latin qui démontrait pourquoi les centaures étaient invraisemblables : le cheval et l’homme n’ont pas la même nourriture, ne vieillissent pas à la même vitesse, etc.
Il me semble que Yoko (du moins les albums « terrestres ») se place plutôt du côté du poétique : il y a une explication scientifique aux mystères que Yoko rencontre dans l’orgue du diable, l’or du rhin, la proie et l’ombre… Mais il est difficile de faire vraiment la distinction entre poétique et imaginaire tout l’art consiste à glisser de l’un à l’autre sans choquer le lecteur qui peut alors « tout » accepter. Les Vinéens par exemple, sont biologiquement assez proches de nous pour que je les considère comme vraisemblables… (je n’ai pas les connaissances scientifiques nécessaire pour juger par contre si la technologie vinéenne respecte les lois de la physique de notre monde – d’ailleurs une telle analyse n’apporterait pas réellement grand’ chose, j’en ai l’impression –, mais elle est présentée de telle façon à ce qu’on peut tout à fait y croire).
Quand à savoir si Vinéa pourrait figurer dans le dictionnaire des lieux imaginaires je répondrait oui sans hésiter, tout comme les mondes de valérian, par exemple. Mais si mes souvenirs sont bons les auteurs se sont plutôt focalisés sur la littérature « classique » (probablement pour limiter le nombre d’information, car avec toute la science-fiction qui existe on pourrait remplir des centaines de tomes d’encyclopédie, rien que toutes les informations fournies par Leloup dans ses BDs suffiraient à la rédaction d’un dictionnaire en soi).
En fait si j’arrive à ce point à « entrer » dans les albums de Yoko et m’imaginer les vivre aussi, c’est peut être justement parce qu’elle reste très proche de la frontière entre l’imaginaire et le poétique… D'ailleurs même dans la vie réelle il est des situations inexplicables qui font qu'on se situe à cette frontière là - j'ai quelques exemple en tête, mais on partirait quelque peu en hors-sujet j'ai l'impression. *** Fantôme chouette ou chouette fantôme ? Gütiokipänjä !!! *** |
+Hallberg
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dimanche 26 juillet 2009 à 15:05 Pas tellement, la question de la vraisemblance me semble être au coeur de tout dispositif narratif. La vraisemblance du féérique ou du fantastique, par exemple, ne réside pas dans leur rapport au réel mais dans leur cohérence interne.
Je n'entendais pas faire une distinction entre imaginaire et poétique puisque tout est sous-tendu de vraisemblance, que les lieux s'approchent plus ou moins du réel. D'autant plus que les lieux et les décors, réels ou non, ne sont poétiques que parce que nous leur associons notre univers mental et que nous leur faisons jouer un rôle d'évocation. Dans l'idéal romantique où le paysage est le reflet des émotions, tout n'est que vision. Photographier, peindre, décrire, dessiner un environnement, voire le recréer (le décor de théâtre ou de cinéma par exemple) constitue forcément une interprétation. Après, les décors repris avec exactitude du réel (comme Bruges par exemple dans un ouvrage que vous connaissez peut-être) "parlent" et "évoquent" d'eux mêmes sans tranformation, mais toujours parce qu'ils sont placés dans un contexte narratif ou dans un paysage mental. Après tout, ce sont les mêmes constructions à la brique près qui peuvent être le décor optimiste de Yoko découvrant un joyau architectural, ou au contraire inspirer "Bruges la morte"...
Grisélidis, pouvez-vous nous expliquer un peu plus ce que vous vouliez dire en faisant allusion à l'ouvrage également évoqué par Eli ? ![image](http://site.voila.fr/chez-titminou/images/chats/217.gif)
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jeudi 30 juillet 2009 à 21:54 Pourtant, ces si joli, c'est mots écrits comme ça... Ses de la discrimination envers les Sai. C tropinjuste.
Mais effectivement, les réserver à msn et aux sms, c'est quand même plus poli.
Pour revenir au sujet initial (oui, j'ai pris des bonnes résolutions depuis que j'ai cramé Rosée de plus de 100 posts, je floode plus), je pense que ceux partis à Bruges (ou mieux, Rothenburg), pourront nous en parler plus en détail : la réalité ne peut exactement correspondre à l'univers que l'on ressent dans le récit, puisqu'une part de rêve et d'imaginaire qu'y insuffle l'auteur et/ou que notre imagination créé a disparu. Mais cela n'empêche pas, bien au contraire, au décor réel de créer le rêve.
Pour reprendre les exemples avec la restauration façon 19ème/façon actuelle, on peut voir le problème autrement : est-il plus important que les monuments que l'on visite nous fasse rêver à imaginer la vie médiévale comme on la pensait au 19ème et dans les contes, avec chevaliers et princesses en détresse, ou bien faut-il les voir comme ce qu'ils étaient, des forteresses souvent vides du fait de la mobilité des cours ? In Hall I trust ! ![image](http://yoko.tsuno3.free.fr/images/avatars/ingrid3.gif)
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